16 septembre 2024

Différentes générations des droits de l’homme se sont succédées depuis la vague des droits politiques et civils à celle des droits économiques et sociaux et celle des droits culturels et linguistiques. S’agit-il d’une sédimentation sans effets réciproques ? D’une succession de vagues de droits relativement autonomes ?  D’articulations créatrices de nouvelles dynamiques?

Bien que la nouvelle génération des droits soit représentée essentiellement par le culturel et le linguistique, il reste  difficile de saisir l’ampleur  et le contenu des droits culturels au Maroc, sans pour autant les rattacher aux contextes politiques variables vécus par le pays. Saisir donc la position de ces droits parmi les droits de l’homme en général, persiste de manière non opératoire, non seulement à l’échelle nationale, mais aussi internationale. Toutefois, plusieurs indicateurs démontrent l’effectivité de ces droits à différents niveaux. Leur ancrage se dévoile une fois reliée au dynamisme politique ayant influencé les droits de l’homme depuis la dernière décennie du XXème siècle.

L’étude des droits économiques au Maroc, et la garantie de leur énonciation et de leur respect par l’Etat, demeurent une fin difficile à atteindre. Evidemment, cette difficulté s’atténue lorsqu’on s’appuie sur leurs références, leur évolution dans le temps ainsi que leur mode d’incorporation entre 1901 et 1908, deux dates -références clés à cet égard.   

La problématique soulève parallèlement la question de l’intérêt accordé par la législation coloniale aux droits et libertés au Maroc et à la dimension des droits culturels des Marocains entre 1912 et 1956. De quelle manière ces droits avaient-ils évolué ou régressé dans le Maroc indépendant? Avaient-ils retenu une attention particulière ou furent-ils plutôt négligés? Étaient-ils présents en 1958 dans les préoccupations du législateur lors de l’élaboration des différents types de droits et libertés au Maroc? Ou celui-ci les avait-il ignoré, ou occulté ? Etc.

Le moment historique généralement situé entre 1965 et 1975 peut être considéré comme un moment référentiel important ayant une forte conséquence dans le domaine des droits culturels au Maroc, et en particulier des droits linguistiques et culturels amazigh. Dans ce sens, on peut admettre que la guerre  de juin 1967 dans la région arabe et la révolte de la jeunesse mondiale en 1968, avaient joué le rôle de catalyseur pour l’émergence du noyau d’un mouvement associatif culturel amazigh. Cette période semble revêtir une signification particulière dans le processus de naissance d’une conscience de la langue et des droits culturels amazigh, dans la mesure où l’action associative amazigh effective avait commencé modestement à revendiquer les droits culturels et linguistiques. Cependant, il a été affirmé que ces droits, au même titre que d’autres droits humains, faisaient l’objet de violations graves au cours de la période des années dites de plomb.

Par ailleurs, ces droits semblent avoir connu une avancée considérable sur le plan international, à partir des années 1975 et 1976. Le Maroc était alors directement exposé à l’implacable mouvement international chargé des mots d’ordre de démocratie et des droits de l’homme. Cela était susceptible d’engendrer la création d’une “marge démocratique” en réaction aux résultats de la première conférence européenne de sécurité et de coopération de 1975,  et à l’entrée en vigueur des deux pactes en 1976 ainsi qu’à l’adoption par les Etats-Unis d’Amérique, durant l’administration Carter, d’une politique de promotion de la démocratie et des droits de l’homme. Cela avait conduit le Maroc à adhérer en 1979-1980 aux pactes internationaux de 1966.

Concernant les droits culturels, désormais de plus en plus revendiqués à haute voix, ils étaient limités par les dispositions de l’article 27 de la charte internationale des droits économiques, sociaux et culturels et par les dispositions d’autres conventions internationales. Du coup,  l’appréhension de la manière dont le Maroc s’était comporté à l’égard des droits culturels dépend intimement  des fluctuations du contexte d’émergence de ces droits.

Il s’ensuit qu’en raison de l’importance de cette donne, le Maroc avait connu,  et connaît encore,  une sorte de troisième moment renouvelant l’attention dévolue aux droits de l’homme. Précisément, ce moment se prolonge jusqu’à l’heure actuelle. Il avait débuté avec la décennie quatre-vingt-dix du siècle dernier et  fut marqué par  la prolifération des associations en général,  et des associations culturelles  amazigh  en particulier. Cette amplification « associationniste » avait entraîné une augmentation du seuil des revendications d’un grand nombre parmi elles les orientant vers une demande de reconnaissance de la langue amazigh comme langue officielle, à côté de la langue arabe,  et son incorporation institutionnelle dans les systèmes d’enseignement, de communication, et autres…

Afin de mieux comprendre les textes juridiques régissant les droits culturels internationaux et nationaux et leurs contenus économiques, sociaux et linguistiques et ayant  une certaine influence sur le Maroc,  le rappel des contextes internationaux et nationaux qui les ont vus naître semble nécessaire. Cela demeure une condition sine qua non  pour découvrir leur effectivité réelle.

 Il semble en outre qu’il existe une certaine difficulté dans l’étude des droits culturels au sein des générations des droits au niveau international, compte tenu de leur imbrication historique avec les questions du pouvoir, les tentatives d’hégémonie, ainsi que celles de la généralisation de modèles culturels déterminés, voir leur imposition par la force. Ce qui s’était clairement manifesté sur le plan du droit international, aux yeux de ceux qui ont perçu dans la déclaration de 1948 une simple traduction des valeurs culturelles des puissances hégémoniques au sein de l’ONU. Ce qui  s’est reproduit aussi avec les conventions de 1966 qui de fait incarnaient les contradictions entre les deux cultures des deux puissances mondiales. Cette même tendance peut être constatée avec le « nouvel ordre international » et avec la « globalisation ».

Partant, les droits culturels ne paraissent pas avoir une place centrale au sein de l’action juridique et civile, dans la mesure où ils n’ont pas reçu suffisamment de compréhension et de crédit parmi les différents types des droits de l’homme. Il faut reconnaître aussi qu’ils n’ont fait l’objet d’intérêt que récemment. La plupart des textes internationaux relatifs aux droits de l’homme ayant abordé les droits culturels ne les avaient mentionnés que de manière succincte et souvent en fin du texte,  comme cela est  le cas dans le pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels.

Pour cette raison, les droits culturels prennent souvent la configuration de droits inachevés, encore dépourvus de la maturité les habilitant à se convertir en droits ayant un caractère juridiquement et effectivement obligatoire. Ainsi leur incorporation dans le pacte international des droits économiques, sociaux et culturels au lieu du pacte international des droits civils et politiques semble  avoir considérablement affaibli leur caractère obligatoire, en  les présentant d’avantage comme de simples programmes, engagements et promesses respectés ou non  par les Etats.

A côté du cadre juridique qui régit les droits culturels, il existe aussi des politiques publiques culturelles dans lesquelles les droits culturels sont souvent formulés de façon générale. Les droits culturels étant si diversifiés, il semble plus utile de déterminer la teneur des droits les plus importants comme les droits culturels à l’éducation, à la participation à la vie culturelle, à la lutte contre l’analphabétisme, les droits d’auteurs, etc. De toute façon, les droits culturels se présentent, désormais, sous de nouvelles formes, comme celles des droits des catégories à besoins  spécifiques, des droits des catégories marginalisées,  des droits des personnes âgées et invalides…

Il faut admettre par conséquent que les générations successives des droits de l’homme  s’articulent et s’agencent  suivant le contexte historique de leur émergence, et selon les étapes de leur rédaction, la logique et le contexte de leur réception. Les différentes catégories de droits avaient toujours posé la question des rapports entre leurs  contenus réciproques, les dimensions de leurs recoupements et le degré de leurs limitations mutuelles.

Au cours de cette sixième session d’hiver, il s’impose de marquer un arrêt significatif  sur la tâche de délimitation de la nature, des rôles, et des multiples dimensions des catégories des droits économiques, sociaux, culturels et linguistiques. Il semble nécessaire de procéder à l’étude de  la dynamique civile/juridique qui les sous-tend, ainsi qu’à l’exploration des articulations effectives entre elles.

Plusieurs questionnements sont à élucider :

–  Sous quels angles se complètent-elles ou se renforcent-elles?

–  Où peut-on localiser la variable dépendante et la variable autonome dans l’évolution de ses multiples générations des droits?

–   Comment leur interférence est-elle représentée à travers les positions  et comportements effectifs, au sein des politiques publiques et à partir de positions politiques?

–   Dans quelle mesure cette interdépendance est-elle  primordiale,  au cœur du problème de la liberté, en relation aux questions de développement et de justice sociale?

Programme :

Axe I : Contenus  et réalités en matière des droits culturels, linguistiques,       

             économiques et sociaux;

Axe II : Démarches et pratiques politiques des droits culturels, linguistiques,  

             économiques et sociaux ;

Axe III : De la spécificité des territoires et des droits ;

Axe IV : Agencement  culture, langue, identité et société ; 

Axe V : Développement et emprise des droits culturels, économiques et sociaux ;

Axe VII : Articulation entre Droits et référents institutionnels.

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