Pr. Zayer El Majid: Relever Le Défi technologique

85% des métiers qui seront exercés en 2030 n’existent pas encore selon une étude de DELL et de l’institut pour le futur.

45% à 60% des emplois seraient automatisés d’ici 2030 du fait des progrès de l’Intelligence Artificielle et de la robotique selon une autre étude de McKinsey.

Dans un tel contexte, la capacité des individus à s’adapter et à acquérir constamment de nouvelles compétences est cruciale. Les nouvelles technologies de l’éducation et de la formation pourraient être mises à profit pour servir ce dessein.

Parle-t-on de l’industrie 4.0, de robotique et cobotique (contraction entre collaboratif et Robotique), de villes intelligentes, de commerce électronique, de tourisme avec ces plateformes connectées, ou encore de transition énergétique et numérique, de simulation aéronautique et dans le domaine de la santé sans penser aux mutations du système éducatif en général et à l’école en particulier ?

Au début il y’a l’éducation ! Dans une contribution sur le défi technologique et comment le relever ? Un détour par l’éducation nous parait primordial.

« Les Hommes sont faits les uns pour les autres ; instruis-les donc ou supporte-les » disait Marc Aurèle, dans Pensées pour moi-même.

L’éducation sous-entend souvent l’école. Ce qui n’est qu’en partie vraie. On omet souvent de signaler les autres intervenants telles que les familles, la société, les médias, et aujourd’hui même les réseaux sociaux.

L’institution éducative apparait quand ce qui est enseigné devient scientifique : les sciences du langage, les sciences mathématiques, la grammaire, l’astronomie…

Il faut arrêter de désigner l’école comme le lieu privilégié pour corriger tous les vices, tous les maux, et toutes les insuffisances culturelles et économiques de la société.

Combien même celle-ci pourrait être animée d’une bonne volonté, la massification et la demande croissante d’éducation l’empêche d’atteindre tous ces objectifs.

Evidemment, on sait que les individus les plus doués se débrouillent pour compenser les insuffisances de leur éducation, cela a toujours été le cas.

A l’égal de tout engagement humain et l’éducation est sans doute le plus humain et « humanisateur » de tous, l’entreprise qui consiste à éduquer a des limites évidentes et ne réalise jamais qu’une partie de ses meilleurs ou ses pires ambitions.

Mais dès lors qu’on parle d’éducation, l’optimisme doit être de rigueur. Malheureusement, aujourd’hui l’éducation est sujette de beaucoup de critiques et baigne dans un pessimisme ambiant malsain.

En tant que citoyens marocains, nous avons le droit de tout voir de la couleur des fourmis, c’est-à-dire très noir. Mais en tant qu’éducateurs nous n’avons hélas pas d’autres choix que l’optimisme.

Car éduquer, c’est croire à la perfectibilité de l’Homme, à sa capacité innée d’apprendre et à ce désir de savoir qui le pousse.

Les individus de notre espèce restent jusqu’à la fin de leurs jours, dans un sens juvénile, c’est-à-dire ouverts aux nouveaux savoirs. Ce phénomène qui est appelé par les anthropologues ‘’Néoténie’’ signifie plasticité ou disponibilité juvénile. Les pédagogues parlent d’éducabilité.

Retenons toutefois que « s’il n’y a pas d’évaluation de l’ignorance, il n’y a pas non plus d’effort pour enseigner »

Enseigner, c’est toujours enseigner à celui qui ne sait pas. Ce que savent ceux qui enseignent est aussi important dans la dialectique de l’apprentissage que ce que ne savent pas encore ceux qui apprennent. C’est là un point crucial dont on doit tenir compte lorsque nous nous occupons de la formation des enseignants.

Le temps est notre invention la plus originale et grâce à l’éducation, nous ne naissons pas au monde mais au temps. L’enseignement est intrinsèquement lié au temps, le temps confère aussi la qualification nécessaire aux éducateurs, il faut avoir vécu la connaissance qu’on souhaite transmettre.

Il n’y a pas d’éducation s’il n’y a pas de vérité à transmettre.

Qu’enseigner, si l’enseignant lui-même ne croit pas dans la vérité de ce qu’il enseigne, ni que ce savoir est important ?Le simple bon sens, montre que les vérités ne sont pas absolues, qu’elles sont fragiles, révisables, objets de controverses et, enfin de compte, comme nous périssables. Elles n’en restent pas moins des vérités, c’est-à-dire plus solides, justifiées et utiles que n’importe quelle croyance qu’on leur oppose.

L’école doit nous apprendre à discuter, à réfuter, à justifier ce que l’on pense. Il faut encore développer la faculté d’écouter.

L’éducation transmet par ce qu’elle veut conserver, et elle veut conserver parce qu’elle valorise certaines connaissances, certains comportements, certaines habiletés, certains idéaux.

Nous tous ici présents animés par la nécessité que ce nouveau modèle de développement pour le Maroc voit le jour, sommes convaincus de l’urgence sociale de former des individus autonomes, capables de participer à une communauté qui sache se transformer sans se renier, s’ouvrir et s’élargir sans disparaitre. Des gens, enfin, persuadés que le premier bien que nous ayons à produire et à multiplier est l’humanité partagée.

Alors peut-on relever le défi technologique ? La réponse est évidement oui. La science étant internationale, le marché est international et par conséquent la technologie est doublement internationale, c’est pourquoi il est même possible et même nécessaire de réfléchir sur plusieurs années.

La plupart des grandes décisions dans l’urbanisme, l’agriculture, l’industrie, l’environnement, l’aménagement du territoire, de l’éducation, les télécommunications, l’espace auront des effets à moyen et long terme.

Et il n’est pas digne de l’espèce humaine que ses dirigeants aient constamment l’air de parer ou plus pressé. La grandeur de l’homme n’est-elle pas d’imaginer le futur et faire que son imaginaire devienne réalité.

Pour commencer, transformer notre système éducatif est l’un des plus redoutables défis que les prochaines années aient à relever.D’autant que chez nous le retard s’est accumulé, car trop souvent, l’école a privilégie la continuité et non le changement, perpétuant « religieusement » les méthodes et les traditions héritées du passé. Elle s’est ainsi érigée en une sorte de forteresse immobile au milieu d’un monde qui évolue de plus en plus rapidement.

La massification de l’école, du collège et du lycée a eu pour conséquence une baisse nette de la qualité et par conséquent du rendement du système scolaire.

Cette massification non maitrisée qui a atteint aujourd’hui l’enseignement supérieur a eu pour effet pervers de produire plus de diplômés que le marché n’enabsorbe.  De cette distorsion est née une Effendia (Diplômés en surnombre) qui parasite la société.

Le Maroc peut nourrir 35 millions d’habitants, mais pas avec plus de 10 millions d’analphabètes car toute une frange de la société se trouve exclue de l’éducation qui a pour conséquence de l’exclure également de la plupart des emplois.

Aujourd’hui, les mutations technologiques se trouvent encore accélérées par le goût de plus en plus marqué pour l’autonomie individuelle.

Ce phénomène est à l’origine de la création de nombreuses petites entreprises sources d’innovation.

La recherche et la créativité deviennent les atouts majeurs des entreprises dans la lutte concurrentielle, toute innovation est guettée, on consomme d’énormes quantités de littérature scientifique, technique et technologique.

Les chasseurs de têtes sillonnent le monde entier, en quête d’esprits inventifs et originaux, de nouveaux champs d’activité et de recherche s’ouvrent, de nouvelles disciplines apparaissent. Ainsi que de nouvelles techniques de production, toujours plus sophistiquées (impression trois D). Le savoir explose dans toutes les directions, provoquant un énorme accroissement des offres d’emplois qualifiés. Partout on a besoin de spécialités et de techniciens manifestants la plus haute compétence.

Il est donc urgent de redéfinir la mission de l’école. Alors que l’école n’a plus le monopole de la diffusion des savoirs, elle doit se recentrer sur les missions fondamentales qu’elle seule peut assurer, et se positionner au cœur de la société, notamment en ce qui concerne le numérique. C’est l’école qui doit assurer le respect des valeurs d’un système éducatif : L’accès à l’éducation pour tous, l’égalité devant l’accès au savoir. C’est l’école qui doit garantir la pertinence des informations et des savoirs, et qui doit mettre en œuvre le processus « d’apprentissage en profondeur », la capacité de hiérarchiser les connaissances, de les mettre en œuvre, ou encore la capacité d’apprendre tout au long de la vie. C’est à l’école que l’on apprend à utiliser intelligemment les réseaux et l’internet.

C’est l’école qui reste le lieu premier de socialisation des enfants et de formation du futur citoyen. C’est l’école qui doit organiser l’interaction entre l’élève, le savoir et l’enseignant.

L’école doit-elle changer ? Ou au contraire l’école doit rester un sanctuaire, à l’écart des évolutions, technologiques en particulier. Bien sur qu’elle doit évoluer, Nous pensons que le rôle et la mission de l’école sont des éléments essentiels des choix politiques de notre pays.

Bien évidemment, le numérique interroge également le rôle et les missions des enseignants. Cette redéfinition de leur métier, qui va de pair avec la nécessité d’assurer une formation de grande qualité à tous les enseignants, est une composante essentielle des politiques éducatives intégrant le numérique.

Le numérique dans l’éducation nécessite des choix politiques clairs. Mais ils ne sauraient se limiter à l’injection de moyens financiers. Ils doivent être porteurs d’une vision de la société, de l’école et de l’éducation dans une société numérique.

Le numérique à l’école ne peut être pour le Maroc qu’une évolution, certainement dans les savoirs et les compétences, dans la mission de l’école et dans l’exercice du métier d’enseignant. Un long chemin reste à parcourir pour notre pays !

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