Meryem El Anbar: Rôles économiques des collectivités territoriales

Si les grandes stratégies de développement économiques qui se font au sommet de la pyramide décisionnelle, n’ont pas nécessairement des retombées sur l’amélioration de la qualité de vie de la population, d’autres initiatives doivent être prises à un niveau inférieur de la pyramide plus proche du citoyen et de son quotidien. La commune semble l’échelle la mieux adaptée à connaitre les besoins des citoyens en matière notamment d’emploi, d’éducation, de santé, d’équipements socioculturels, d’infrastructure….

Depuis le lancement en 1960 du processus de décentralisation au Maroc, le rôle économique des collectivités territoriales marocaines s’est transformé et renforcé, en relation avec les mutations profondes qu’ont connues la société et l’économie marocaines. La commune est censée être un acteur incontournable dans le développement territorial, mais en pratique dans quelle mesure les compétences dévolues aux communes permettent-elles d’engager un processus de développement qui puisse répondre aux aspirations de la population locale de manière plus forte et de contribuer à son émergence ?

Quelques propositions peuvent être avancées dans ce sens :

  • Autonomisation et réédition des comptes

L’autonomie de la commune pour la réalisation des projets doit être renforcée et assujettie en même temps à des audits réguliers.

  • Valorisation des ressources

La valorisation des ressources locales et leur mobilisation accrue par la reconnaissance des savoir-faire locaux et la prise en charge des initiatives locales permettront aux collectivités communales d’en tirer profit et de créer ainsi des avantages compétitifs, de développer des labels spécifiques et de créer une image territoriale. Le développement du territoire, qui passe par la construction territoriale, se définit comme « la fabrication de différences » par la création de spécificités territoriales.

  • Le choix des élus.

La mise en place d’une conception stratégique et l’amélioration des capacités managériales des collectivités communales nécessitent la présence de dirigeants compétents et aptes à la réalisation des tâches qui leur sont confiées. Ainsi, il est nécessaire, pour qu’une meilleure adéquation soit établie entre la politique de décentralisation et son application, qu’un bon choix des élus soit axé sur les compétences qu’ils possèdent et qui leur permettent d’accomplir efficacement les tâches qui leur sont dévolues. La revalorisation de la fonction communale exige la qualification des agents en place. Le manque de connaissances techniques, le manque de compétence des dirigeants et des services des communes d’une part, et la faiblesse des prérogatives qui leur sont accordées d’autre part, ne font que diminuer le rôle de l’acteur local considérable qu’est la commune. Celle-ci devrait pourtant agir comme le pilier du processus de développement des territoires des collectivités locales.

  • La mise en place généralisée des outils d’exécution des projets

Pour pallier au manque de compétence dans l’élaboration et le suivi des projets d’investissement les communes doivent faire appel à des sociétés de développement local (SDL). Des expériences ayant déjà réussi dans le pays peuvent être dupliquées.

  • La coordination des acteurs

Pour que le territoire émerge et se construise, les acteurs doivent coordonner, quelle que soit l’approche ou l’optique adoptée. Sans coordination, le territoire est voué à rester un espace passif qui subit les évolutions et les contraintes de son environnement extérieur. Le concept de coordination consiste à assimiler le territoire à un système de relations entre acteurs différents qui, par leurs interactions, aboutissent à la construction territoriale. Un effort considérable de coordination doit être fourni dans l’ensemble des politiques publiques.

  • l’approfondissement du processus de décentralisation

Il est nécessaire d’approfondir davantage le processus de la décentralisation pour que la gestion des ressources locales ainsi que la prise de décision soient menées par le niveau local mieux appréhendées par la commune, puisque celle-ci est plus proche de la réalité de son territoire et qu’elle connaît parfaitement ses potentialités et ses priorités en termes de besoins.

Il consiste à créer les conditions du développement économique, dont la réalisation directe s’appuiera sur des acteurs économiques privés, qu’il s’agisse d’entreprises classiques, d’entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire, de coopératives… La création des conditions du développement économique appelle une intervention transversale et multisectorielle, de long terme, qui s’appuie sur une connaissance fine des territoires dans leurs contextes respectifs, de leurs potentiels et de leurs contraintes. La planification du développement local appelle de ce fait un travail institutionnel important de structuration des services municipaux autant que de réflexion sur les conditions de contractualisation avec les partenaires, de renforcement de la connaissance des territoires (appareillage statistique, enquêtes qualitatives…), d’organisation fiscale… La collectivité territoriale peut également prendre la responsabilité de faciliter le dialogue et les synergies inter-acteurs à l’échelle de son territoire. Qu’il s’agisse des établissements de formation initiale et professionnelle, des associations prestataires de services d’intérêt général, des entreprises « classiques », des entreprises de l’ESS, des usagers et utilisateurs des services et prestations, des organisations de migrants, de jeunes, de femmes, qui souvent apportent des analyses et des compétences utiles à la compréhension des dynamiques locales et la mobilisation des ressources existantes…

L’organisation et la fourniture de services publics locaux est également créatrice de valeur, d’emplois, tout en étant un instrument déterminant et direct de réduction des inégalités : elle structure de façon pérenne les territoires. Il peut s’agir des transports publics locaux ou de la gestion des infrastructures locales, des services en réseau (eau, les technologies de l’information et de la communication par exemple), de la gestion des déchets…

Il peut également consister en une recherche approfondie sur l’empreinte économique de la collectivité elle-même, dans sa politique d’achat par exemple, dans la gestion de sa logistique (parcs de véhicules, consommation d’énergie…).

En l’état actuel des choses, deux tendances contradictoires sont à l’œuvre : d’une part, une vision descendante du développement territorial, qui est celle de l’aménagement du territoire produit par l’Etat, une approche territoriale du développement descendante, « aménagiste ». D’autre part, dans le même temps s’affirme une vision ascendante qui est celle de l’exercice de l’autonomie locale par les collectivités territoriales à travers les processus de déconcentration et de décentralisation entamés de longue date, et le projet de régionalisation avancée.

Or la déconcentration, la décentralisation et la régionalisation consistent d’abord à ramener le pouvoir « à la maison ». L’Etat accepte de se séparer d’une partie de son pouvoir et permet aux habitants et à leurs représentants d’exercer leur pouvoir politique différemment de l’Etat, obligeant à un dialogue, et poussant l’Etat à infléchir, modifier ses propres politiques. Du coup, l’Etat devient régulateur et non pas « aménagiste », décideur. Dans un Etat vraiment décentralisé, ce n’est pas lui qui décide sur les villes nouvelles par exemple, mais les collectivités territoriales en relation avec l’Etat.

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