Effectivité des droits, consolidation de la citoyenneté et élaboration d’un nouveau contrat social

Mohamed El Hachimi

Enseignant Chercheur, Faculté Chouaib Doukali

Toute approche du développement fondée sur les droits de l’homme doit se fonder sur le fait que les tensions qui caractérisent parfois les relations entre la société et l’État sont principalement dues aux profondes transformations des mentalités et des modes de pensée des différents groupes de la société marocaine au cours des dernières décennies.

L’ouverture croissante sur le monde, la généralisation des moyens de communication et des réseaux sociaux, la transition démographique vécue par la société marocaine, le taux élevé d’urbanisation et d’autres changements sociologiques profonds ont conduit à l’élévation du niveau de conscience politique de la société marocaine et à un changement remarquable au niveau du système de valeurs établissant la relation de l’individu à la société en général, et par rapport au pouvoir et à l’État en particulier.

La conséquence directe de ces transformations est évidente dans l’émergence progressive des citoyens en tant que sujets et figures des droits de l’homme devant l’État. L’augmentation de la tendance critique envers l’autorité et l’État, et la diffusion de la culture de la protestation selon des configurations traditionnelles et nouvelles, peuvent être considérés comme des résultats logiques d’une naissance du citoyen et de la culture de la citoyenneté au Maroc.

Par conséquent, la considération de la question du soutien aux droits effectifs ou réels apparait comme une nécessité requise par la gestion d’un nouveau contrat social entre le citoyen et l’État. Il ne fait aucun doute que la consécration de la dimension contractuelle, avec la reconnaissance plus effective des droits et libertés auxquels elle se réfère, contribuera à elle seule à reproduire les éléments matériels et symboliques du modèle marocain. Aussi le niveau peu élevé de droits et libertés réels constitue une menace non seulement pour ce modèle mais pour la stabilité et la cohésion sociale du Maroc.

  1. Anticiper le traitement des problématiques de développement

D’après les multiples diagnostics accumulés au cours des deux dernières décennies, il est clair que les difficultés qui limitent l’efficacité des systèmes de gouvernance aux niveaux central et local sont principalement dues à la prédominance de face aux enjeux économiques et sociaux.

Si l’adoption de l’approche thérapeutique dans le traitement de certaines questions liées aux libertés publiques est compréhensible, elle apparaît plus nécessaire en ce qui concerne la question de l’accès aux droits humains fondamentaux, principalement les droits économiques et sociaux. Ainsi, il semble nécessaire de substituer à l’approche attentiste des différents acteurs une approche proactive basée sur une planification scientifique qui permet d’anticiper les problèmes avant leur survenance.

Il ne fait aucun doute qu’il y a une amélioration constante dans la façon dont les institutions et les autorités publiques répondent aux attentes des citoyens, mais il faudrait reconnaître que les approches curatives et d’attente sont restées les caractéristiques dominantes de cet engagement et que le soutien à l’effectivité des droits humains fondamentaux nécessite de penser à créer une rupture avec l’approche dominante et lui substituer une approche préventive incluant la protection en amont des droits.

  1. Droits de l’homme et développement

La réflexion sur les voies et mécanismes de soutien des droits effectifs au Maroc doit nécessairement s’appuyer sur une approche consciente des spécificités des droits de l’homme et du développement et de leurs convergences, ce qui nécessite de rompre avec la perception  traditionnelle des deux concepts.

La réalisation de cette rupture, l’affranchissement du concept de développement de toute tendance économiciste, en attirant l’attention sur les facteurs non économiques de développement notamment l’effectivité des droits d’une part, et d’autre part, d’alléger le concept des droits de l’homme de la domination de la tendance normative et de le placer au centre de l’équation du développement dans ses deux dimensions liées à la production de richesse et à sa redistribution.

Pour atteindre cet objectif, une approche des droits de l’homme peut être adoptée, ouverte sur des expériences réussies dans le monde et inspirée des principes universels, notamment sur le droit au développement et des résultats des connaissances et des expériences accumulées par les différents fonds et programmes internationaux sur le sujet. Dans ce cadre, les six principes fondamentaux mentionnés dans la déclaration des Nations Unies sur le droit au développement peuvent être considérés comme des approches de base pour soutenir les droits réels ou effectifs dans le projet de développement alternatif souhaité au Maroc.

  1. Convergence des acteurs et des politiques publiques

Les systèmes de gouvernance et d’élaboration des politiques publiques en général au Maroc sont caractérisés par la multiplicité et la diversité des acteurs et des institutions impliqués dans le processus de prise de décision dans divers secteurs. Cela entrave l’efficacité et l’efficience des politiques de développement. En conséquence, l’amélioration des performances des institutions passe nécessairement par la réflexion sur des moyens et des mécanismes innovants permettant de relever le défi de la convergence et la coordination entre les différents acteurs, programmes et politiques. Dans cette perspective, la réflexion sur la problématique de la convergence devrait être utilisée comme introduction à la réforme institutionnelle.

  1. Élargissement des cercles de participation à l’élaboration des politiques :

La constitutionnalisation depuis 2011 de la démocratie participative visait à élargir la participation à l’élaboration des politiques et à l’action publique en général. Le résultat des mécanismes adoptés semble modeste et ne projette pas une amélioration significative dans l’avenir proche, en raison de la baisse du niveau de confiance dans les institutions représentatives (parlement, gouvernement et conseils locaux) par lesquelles passent les pétitions, les motions législatives et d’autres mécanismes de démocratie participative. L’adoption de nouveaux mécanismes plus stimulants à la participation, rétablirait spécifiquement l’intérêt des citoyens pour les affaires publiques locales. Dans ce contexte, il est possible d’adjoindre un mécanisme budgétaire participatif qui permet à la population des différents territoires de participer à la prise de décision par la délibération concernant les décaissements d’un pourcentage du budget des collectivités territoriales.

  1. Ingénierie institutionnelle

Au niveau législatif, il s’avère nécessaire d’éviter une législation intense, de simplifier par la langue législative, d’intégrer l’approche de l’étude de faisabilité préalable aux lois et à leur impact sur les citoyens et les ressources de l’État. Le concept de reddition des comptes ne peut en aucun cas se limiter à la punition ou à la condamnation. Il est plutôt synonyme de suivi, d’accompagnement, la canalisation et la libération des énergies assortis de la responsabilisation au lieu du contrôle stricto sensu. La comptabilité est une mesure qui vise à apprendre, à s’améliorer au lieu de punir.

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