Le passage en revue d’un échantillonnage suffisamment représentatif des nombreux rapports produits par des instances civiles et institutionnelles bien établies dans le débat public national et international, évaluant notamment la presse au Maroc et ailleurs, suscite un certain nombre d’interrogations légitimes et pressantes. Trois axes semblent s’imposer à l’analyse.
D’abord, il s’agit de visiter les modalités de mesure de la liberté de la presse, de ses entraves et violations, du degré de liberté d’accès à l’information et des diverses questions articulées sur cette dimension. Comment explorer les dimensions méthodologiques (critères, indicateurs, indices, hiérarchie et priorisation dans l’établissement des grilles d’évaluation, modes de calcul, élaboration de valeurs de référence, indices et barèmes, de ratios, d’effets de pondération, etc..) ? Comment interpréter les critères adoptés pour décider de l’état des lieux, du rang, de la presse au Maroc par rapport à ceux d’autres Etats? Quels sont les référents mobilisés? Comment expliquer certains classements, reclassements, déclassements, de qualifications, de déqualification, voire de disqualification des médias et de leur position sur une échelle de ces médias dans des rapports ayant droit de cité dans le domaine? On sait tous par ailleurs l’importance des enjeux et l’impact de tels étalonnages sur la place dans les domaines politiques, économiques, culturelles..
Par ailleurs, l’appréhension de la méthodologie usitée peut permettre de dialoguer, expliquer, débattre, comprendre les logiques, les paradoxes et les contradictions. Quelles sont les limites de ces exercices ? D’où viennent les irrationalités, les perceptions manifestement inéquitables, ostensiblement infondées, directement inquisitoires? Comment s’atteler à faire la part des choses, à prendre le recul nécessaire pour apprécier objectivement ces phénomènes et mécanismes?
L’objectif est de dépasser l’argument selon lequel « nous ne sommes pas aimés », ou celui du ressentiment envers le regard injuste de l’autre, et au contraire de se montrer encore plus exigeant envers soi-même et ceux qui prennent la responsabilité de nous classer. La question ne se pose pas en termes de désaffection ou de désamour, mais elle renvoie à la possibilité de déchiffrer et de comprendre les appréciations, les observations, les comparaisons, les critiques, les blâmes et les usages médiatiques, idéologiques et politiques… Comment repérer légitimement le regard équitable de l’inéquitable ? Pourquoi n’aurions-nous pas la bonne méthode? Comment n’est-il plus possible de tout réduire à une question de bonnes ou de mauvaises intentions ? Parmi les indicateurs et les indices il en est de bons et de mauvais, de formels, d’arbitraires. Certes, mais quelles pourraient-être les alternatives, les « bonnes » approches ; celles qui réunissent suffisamment d’éléments de crédibilité, de rationalité, d’argumentaire convainquant pour faire autorité et induire les changements et la perfectibilité qui s’imposent… Encore faut-il que les protagonistes, les évaluateurs et les évalués parviennent à partager des grilles d’interprétation homogènes et non dissonantes
Il resterait à dégager de ce qui précède des leçons vis-à-vis de nous-mêmes et des autres, à réexaminer nos argumentaires, à interroger notre manière de vivre ces problématiques, à nous libérer des excès d’humeurs et de mouvements réactifs à fleur de peau, et d’identifier les bonnes postures. Comment passer d’une image négative à une autre positive? Il ne s’agit de faire un travail de simple façade, de donner dans ce que l’on appelle « travailler l’image », une opération de relifting de circonstance.
La politique du ciblage a été souvent adoptée, et elle a l’inconvénient de laisser de côté les grands chantiers et d’aller vers les petits détails, les composantes secondaires des indicateurs sachant comme on dit que le diable se cache dans les détails..
Ces interrogations et éléments de réponse pourront être développés à travers l’examen du corpus des rapports suivants : Human Right Watch ; Freedom House ; Article 19 ; Reporters sans frontières ; Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ); la Fédération internationale des journalistes…
Le niveau du débat sera rehaussé par la présence de représentants de ces institutions productrices de rapports et de débatteurs extérieurs, académiques ou professionnels..
Réussir la formulation des bonnes questions, clarifier les problématiques, partager les argumentaires, confronter les malentendus, poser les bases d’un dialogue multiforme : il s’agit là d’objectifs volontairement modestes mais qui peuvent lever quelques quiproquos, rompre des glaces et décongestionner des passerelles d’échanges, de partage de l’information pertinente et faire bouger des lignes sur la voie de la compréhension mutuelle et de la lutte contre les clichés, les préjugés, les anathèmes, de quelque côté qu’ils se manifestent.
Parmi les résultats attendus de cette conférence:
- Une meilleure compréhension des méthodologies adoptées dans les évaluations de l’état de la liberté des médias (critères, indicateurs, indices, modes de calcul, élaboration de moyennes, de ratios, etc..) et des critères de classement adoptés pour classer l’état et le rang de la liberté des médias, par exemple, au Maroc par rapport à ceux d’autres États.
- Une identification des limites de ces méthodologies, des perceptions pouvant être manifestement inéquitables, infondées ou directement inquisitoires.
- Une compréhension des appréciations, des observations, des comparaisons, des critiques et des blâmes ainsi que les usages médiatiques, idéologiques et politiques de ces rapports.
- Une exploration de nouveaux indicateurs qui prennent en considération les grands chantiers de reforme du secteur média entrepris par le gouvernement marocain.
Le programme de la conférence est encore dans un état d’avant projet, mais il sera constitué des panels suivants :
Panel 1 : Méthodologie de calcul de l’indice de la liberté des médias : Quels sont les critères et indicateurs de la liberté des médias et comment ils sont élaborés ?
Présentations des méthodologies des organisations internationales.
Panel 2 : L’examen du corpus des rapports de certaines organisations internationales comme Human Right Watch, Freedom House, Reporters sans frontières, Comité pour la protection des journalistes (CPJ), IREX, la Fédération internationale des journalistes, et l’Institut international de la presse.
Panel 3 : Points de vue des experts
Panel 4 : Vers une amélioration des critères et des indices prenant en compte plusieurs variables : les chantiers de reforme, les nouvelles technologies de l’information, et la transition politique et démocratique du pays.
Programme
Jeudi 15 novembre 2012
9h : Accueil et Inscription des participants
9 h 30 – 10h : Séance d’ouverture :
Mots d’ouverture
– Directeur du CERSS
– Ministère de la Communication
10h 00 – 10h30: Pause café
10h 30- 13h: Première séance plénière :
Méthodologie de calcul de l’indice de liberté : cas de la presse
Présidence : Mr Mohamed Aujar
Intervenants: Daniel Gouadin , Bachir Osman, Alvaro De Vasconcelos, Taleb Awad;
Débat
13 h – 14 h 30 : Déjeuner
14 h 30- 16 h 30: Seconde séance plénière :
Perceptions de l’état des libertés de la presse dans les rapports internationaux :
Présentation et discussion des rapports
Présidence : Said Bennis
– Human Right Watch (Mme Sarah Leah Whitson);
– UNESCO (Mme Ito Misako)
– Open Society (Zaid Bouziane)
– Mr Mohammed Benhlal (Universitaire, Chercheur CERSS)
Débat
16h 30- 17h 00: Pause café
17 h 00- 18 h 30: Troisième séance plénière :
Le classement du Maroc dans les rapports internationaux sur la presse: critères et déterminants :
Présentation et discussion des rapports
Présidence : Pr. Ali Karimi
– Reporters sans Frontières (Mme Soazeg Dollet);
– IREX (Mr Bachir Znagui)
– Mr Belghouat (ISMAC)
– Mr Said Bennis (Universitaire, chercheur au CERSS)
Vendredi 16 novembre
9 h 30-10h00: Pause café
10h 00-12h 30: Quatrième séance plénière
Appréciation des libertés de la presse par les syndicats des journalistes
Présidence : Taleb Awad
Interventions des représentants des syndicats des journalistes :
– La Fédération Internationale des Journalistes (Mr A. Boumelha);
– Syndicat National de la Presse Marocaine (Mr Younes Moujahed)
– Syndicat des journalists mauritaniens ( Mohamed Abdullahi)
– Fédération Marocaine des Editeurs des Journaux- FMEJ (Mr Nourredine Miftah)
12h 30- 14h 00 : Déjeuner
14h 00 – 16h 00 : Cinquième séance plénière :
Pour l’élargissement de la liberté de la presse: Recommandations et propositions
Présidence : Lehbib Bekkouch
Intervenants :
– Toutes les organisations participantes qui souhaitent intervenir et présenter des recommandations (5 minutes pour chaque organisation)
– Saad Hajras (Egypte)
– Said Essoulami (Maroc)
– Soazeg Dollet (France)
Debat
16h 00 – 16h 30 : Pause Café
16h 30 -18h 00 : Sixième séance plénière
Le niveau de liberté dans la région arabe deux ans après le printemps arabe
Présidence: M. Abdallah Saaf
Intervenants :
Alvaro de Vasconcelos, Jean-Noel Ferrié, Mohamed Abdullahi, Saad Hagras, Taleb Awad, Taoufik Bouachrine
Débat
18h 00 : Séance de cloture:
Mots de clôture :
– Ministère de la Communication,
– Directeur du CERSS
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