Il semble que la question des articulations entre système de valeurs et modèle de développement est une question qui réfère à l’amélioration du niveau de vie du citoyen et aux valeurs fondatrices des relations sociales et du vivre ensemble. Cette même question renvoie à la bonne gestion des attentes ainsi que des représentations et des vœux des citoyens quant à la citoyenneté et les formules pouvant renforcer la confiance mutuelle entre l’Etat et le citoyen. C’est aussi une question se rapportant à la nature des politiques publiques qui devraient revigorer les valeurs d’adhésion et d’interaction avec le modèle de développement attendu.
Pour répondre à ces questionnements, il s’agit de satisfaire trois mécanismes: celui de produire des solutions, celui de réguler les modes de leur réception et celui de leur opérationnalisation. Mais, il demeure essentiel de se demander sur les modalités de changement des stratégies du modèle de développement.
De manière générale, il faut admettre que le changement de stratégies appelle un changement d’objectifs sous-tendu par une matrice de valeurs qui constitue le socle de tout modèle de développement. En effet, les valeurs sont conçues comme le déterminant et le régulateur des mécanismes et des fins espérées pour aboutir à un modèle adéquat et efficient. Dans cette perspective, il semble que le diagnostic dans le cas du Royaume du Maroc peut être orientévers la corrélation entre le changement social, l’environnement axiologique (de valeurs) et la dynamique humaine. C’est pourquoi, il devrait parallèlement englober différents champs sociaux qu’ils soient de nature matérielle ou de nature symbolique tels :
- La déception territoriale et l’acuité des disparités spatiales ;
- L’émigration et le chômage des jeunes ;
- La recrudescence de la violence et du « tcharmil » ;
- La débâcle identitaire et l’ancrage de la culture de la haine ;
- L’essoufflement de certaines zones économiques (Jrada, zones frontalières) et l’ascendance de la privation économique ;
- L’enracinement de la culture et des pratiques corruptives ;
- L’agentivité de la revendication territoriale et numérique ; et
- L’émergence d’une citoyenneté virtuelle (netoyenneté)
Par ailleurs, les catégories cognitives qui encadrent l’actuel modèle de développementtelleslasolidarité, la cohésion, l’entraide, l’assistance, la justice et la paix sociale sont en passe d’érosion devant l’implantation de catégories cognitives référant à une rétention de valeurs et de comportements, notamment comme ceux de la corruption, de la rente, du clientélisme, de l’exclusion, de la sélectivité, de la marginalisation, du communautarisme, …
A ce type d’érosion, il faut compter également avec une transition aussi bien au niveau vertical qu’horizontal des valeurs centrales (« tamaghrabit », citoyenneté, appartenance, nation, arabité, islam, tolérance, vivre ensemble, lien social, …)vers des valeurs matérielles urgentes et pressantes renvoyant à l’emploi, à la santé, à l’enseignement, et aubien-être.
Dans ce contexte, il semble que le contrat social espéré dépend de la matrice des acteurs et de leur impact sur leur environnement déterminé par le préambule de la constitution du Royaume du Maroc sur la base des prémisses de l’Etat de droit, de la démocratie, de la pluralité, de la bonne gouvernance, de la société solidaire, de la liberté mais aussi au travers de l’article 35 qui garantit la liberté d’entreprise et la libre concurrence. En contrepartie, de cette matrice d’acteurs et des enjeux liés à la confiance entre citoyen et Etat, il y a ancrage de représentations axées sur une discrimination négative et une privation relative chez certaines tranches de la population, tout particulièrement celles des jeunes, des femmes et celles des personnes à besoins spécifiques.
C’est pour ces raisons qu’il paraît urgent d’engager une délibération sur les alternatives et les paradigmes du champ des valeurs du modèle de développement et de proposer des outputs pragmatiques répondant aux enjeux et aux défis de la société marocaine. A cet égard, plusieurs outputs peuvent être évoqués :
- La distribution équitable des investissements de l’Etat relativement aux prémisses de la justice territorialevia l’aménagement d’un développement équilibré et parallèle entre les régions et son efficience sur le niveau de vie de la population pour que cette dernière puisse bénéficier des biens symboliques et matériels dans le but de rehausser ; la qualité de la citoyenneté marocaine à l’horizon d’une justice sociale reconnaissant les droits de la femme, de l’enfant, des personnes à besoins spécifiques et des jeunes à l’emploi, à la santé et à l’éducation ;
- Promouvoir une compensation économique des régions du Royaumedu Maroc qui ont épuisé leur dynamique économiquenotamment par le truchement de l’emploi des jeunes fondé sur une socialisation à base de culture de mérite et de l’initiative au lieu de celle de la rente et du clientélisme ;
- Planifier une politique identitaire basée sur la diversité et la pluralité pour approfondir le sentiment d’appartenance et d’adhésion au modèle de développement attendu et évincer l’émergence de foyers de tension mettant en danger la paix sociale et les référents de la dignité et de l’égalité des chances et occasionnant le passage d’une identité nationale symboliqueà une identité citoyenne vécue ;
- Renforcer les valeurs d’appartenance du Royaume du Maroc au Grand Maghreb, à la région MENA, à l’Afrique et à la Méditerrané en puisant dans les dynamiques politiques, économiques et culturelles pour enrichir les affluents du modèle de développement marocain et renforcer son ouverture et son intégration aux modèles régionaux et mondiaux ;
- Réhabiliter l’école des valeurs en capitalisant sur l’école professionnalisante puisque la réussite du modèle du développement dépend du sentiment de la citoyenneté etde l’intériorisation de la société de confiance mais aussi de la conception selon laquelle la recherche scientifique dans toutes ses modalités (Sciences exactes, sciences humaines, sciences sociales, …) constitue un des fondements essentiels du modèle de développement et la nécessité de son intégration aux politiques publiques du Royaume du Maroc ;
- Passer de régions annexes du Centreà des régions autonomes constituant des pôles économiques pouvant résorber le chômage localen exploitant les ressources et les atoutsterritoriaux à travers une logique démocratique selon laquelle l’intégration locale est la base de l’intégration nationale sur le modèle d’un paradigme intégratif qui reconnaît un modèle de développement national englobant des modèles régionaux à l’aune des nouvelles valeurs citoyennes résultant d’une transition citoyenne passant d’une citoyenneté réelle territorialisée vers une citoyenneté virtuelle déterritorialisée ; et
- Communiquer sur le modèle du développement via une démocratie délibérative ascendante donnant la voix aux propositions et aux projets de la population en instituant un cadre de gestion participative et d’adhésion politique et non sous forme d’accompagnement événementiel.
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