Rapport sur l’atelier: Le numérique et l’égalité des chances dans le domaine de l’éducation

En marche vers Mexico 2022

Forum Social Mondial virtuel du 23 au 29 janvier 2021

Centre d’Etudes et de Recherches en Sciences Sociales – CERSS

et Forum Civil Démocratique Marocain – FCDM

« Le numérique et l’égalité des chances dans le domaine de l’éducation »

Mardi 26 janvier 2021 à 19 h 30 mn marocaines (GMT +1)

 Rapport Préparé par Soumia KAJJOUT et  Siham OUKAYA

Chercheures au CERSS

 Dans le cadre du Forum social mondial virtuel qui s’est tenu du 23 au 29 janvier 2021, le CERSS et le FCDM ont organisé un atelier sur « Le numérique et l’égalité des chances dans le domaine de l’éducation », dont l’objectif de débattre autour de la question de l’éducation numérique en relation avec la culture digitale, les difficultés d’inclusion, et les enjeux d’inégalité numérique éducative, en partageant quelques expériences des universités dans le domaine de l’enseignement virtuel, ainsi que le rôle de la société civile dans la réduction de la fracture numérique dans le domaine de l’éducation.

Le 1er panel intitulé «  l’éducation à l’ère numérique et enjeux de justice sociale »

Dans sa présentation de l’atelier, M. Abderahmane Mouline, chercheur au CERSS, rappelle l’importance de la justice numérique scolaire , pour répondre à une  question complexe reflétant une nouvelle forme d’inégalité qu’aucune procédure ne résoudra en l’absence d’examen critique, d’une argumentation et de débat politique.

Lors de la première intervention intitulé « l’E-inclusion, quels scénarii pour réduire les inégalités numériques éducatives », Monsieur Aziz Elhajir, directeur des programmes au sein de l’ISESCO et chercheur en développement territorial, développe son intervention autour de trois axes, l’évolution technologique et inégalités numériques engendrées ; les dimensions ultra-numérique etl’inclusion numérique à l’époque de COVID, initiatives menées pour contrer la conjoncture COVID et les inégalités générées.

Pour l’intervenant, l’évolution exponentielle des innovations technologiques est une réalité qui se manifeste par une disponibilité technologique de plus en plus importante, on assiste même à un changement du comportement du consommateur. Les innovations technologiques passent d’un produit de luxe à un produit de première nécessité. Ce changement reflète également un changement des modes de réflexion et d’action, il est reconnu comme un véritable enjeu stratégique impactant le territoire, ses modes d’occupation et les modes de production.

  1. Elhajir déclare que la maitrise de l’information et du savoir se présente comme nouveaux pliés de la révolution technologique, cette révolution numérique constante a un impact social majeur, les flux d’informations génèrent des nouvelles opportunités en terme de formation et de création de postes d’emplois…

Sur un autre registre, celui de l’éducation, l’intégration du numérique dans le domaine de l’éducation a ouvert de nouvelles pistes et solutions ; la conjoncture COVID nous a poussée à adopter des modes d’enseignement se basant totalement ou partiellement sur Internet, ceci génèrent plusieurs questions sur notre capacité à accompagner ce changement, et sur la capacité du nouveau mode d’éducation à assurer la qualité et les méthodes.

 Le numérique impose un nouveau dilemme, il oblige une réinvention de nos modes relationnels et notre manière d’être, notre vie quotidienne se trouve conditionné, voir affectée par le numérique et le recours aux T.I.C. les inégalités numériques renforcent souvent les inégalités sociales, ceux qui sont désavantagée par le social le sont aussi pour l’accès aux NTIC. L’intervenant rappelle que ce ne sont pas les usages et accès qui révèlent le phénomène des inégalités mais leurs incidences sur la capacité de tirer profit des opportunités technologiques offertes lui permettant de réussir ses objectifs.

A l’heure du discours public sur la fracture numérique, la question liée à la capacité de l’E-inclusion à rétablir la justice sociale se pose avec acuité. Jusqu’à la, la fracture numérique est traitée sous une perspective technicistes qui marginalise la dimension social du problème. D’où l’obligation de distinguer les disparités liées à l’accès au numérique que celles liées à la compétence des usagers, une logique qui intègre le caractère fonctionnel, dans ce sens, on peut stratifier ses inégalités en trois formes ; des inégalités numériques liées à l’avoir, celle du savoir et des inégalités numériques liées au pouvoir.

La conjoncture COVID a imposé une nouvelle lecture des inégalités numériques et l’usage des T.I.C au moment où le mode d’éducation à distance se présente comme l’alternative possible à l’éducation présentielle. Des apprenants qui étaient privés d’assister à leurs cours suite aux blocages liées aux différentes formes d’inégalités numériques précitées. Ajoutant à ceci, la nécessité de la formation des enseignants à la formation à distance, on assiste ainsi au recours à la télévision pour permettre aux populations les plus fragiles d’accéder à l’éducation. Pour palier à ses différentes formes d’inégalités, des ONG et Etats ont lancés différentes initiatives.    

Madame Nadia Amine, professeur chercheur à l’université Mohamed V- faculté des lettres et des sciences humainesa partagé, dans le cadre de son intervention, une expérience quis’intitule : « comment arriver à un enseignement inclusif à travers le numérique, revue réalisé par les étudiants de l’université Mohammed V-rabat ». Il s’agit d’un projet didactique préparé par 40 étudiants du semestre 2, et qui consistait à la réalisation d’une revue en support papier et version numérique. L’objectif initial de l’expérience consistait à améliorer l’expression écrite des étudiants, a les faisant travailler sur un projet concret conformément à l’approche pour projet soutenue par le cadre commun européen de référence pour les langues.

Pour l’intervenante, mis à part l’objectif initial, celui du développement de l’expression écrite chez les étudiants, des compétences transversales sont venues se greffer au projet, La maitrise des outils numériques s’est présentées comme valeur ajoutée et instrument d’intégration de certains étudiants, qui, vue leurs faiblesse en langue, se trouvaient à la marge du travail. Les nouveaux besoins exprimé pour finaliser la revue ont permis à ces étudiants de réintégrer le projet.

L’expérience a permis aux étudiants les plus faibles en langue,  hésitant au départ, de contribuer à la réussite du projet grâce à leurs compétences numérique.L’utilisation des outils numériques pour finaliser la revue, pour la présenter en format numérique et pouvoir la partager sur les réseaux sociaux, ce qui a poussé les étudiants à chercher des outils adaptés à leurs besoins. Ces compétences ont facilité l’intégration des étudiants et l’ont encouragé à dépasser leurs faiblesses et communiquer en groupe. Pour conclure son intervention Madame Amine estime qu’il sera bénéfique de dupliquer cette expérience, qui, selon elle a dépassé le projet didactique en un projet d’inclusion social.

Pour la troisième intervention intitulée « Comment le numérique peut développer la citoyenneté mondial : cas le cas du Global Teacher Centre – Fontanarossade Catane », est présentée Mme. MelitaCristaldi, coordinateur du Global Teacher Center, Fontanarossa, Catane, Italie) et M. Giovanni Pampanini (coordinateur de l’atelier « la thànhKhôi » pour le dialogue entre Civilisations et les relations internationales, Catane, Italia.

Mme Melita a commencé sa communication par une présentation du réseau GglobalTeacher Center, Crée en 2014, le réseau compte parmi ses membres desréseaux d’écoles, des ONG, plusieurs associations et l’université de Catane. Le réseau vise l’implémentation de l’éducation interculturelle et promouvoir la démocratie globale à travers la création des interconnexions entre professeurs et élèves de divers pays du monde sur des sujets liées aux enjeux mondiaux, notamment le développement durable, inégalités, droits de l’enfant, de la femme et de L’homme.

Il s’agit d’une classe où des étudiants et des professeurs échangent autours de sujets prioritaires mais chacun partant de ses dimensions locales, un processus qui promet l’intelligence interculturelle, étant la capacité de surmonter les difficultés culturelles et diversité démographiques et des civilisations. Cette intelligence qui offre des nouvelles manières de se manifester, et qui promet une approche à l’argument qui développe la démocratie cognitive.

A ce niveau l’intervenante signale l’importance de cette expérience qui permet de découvrir les divers dimensions culturelles de l’enseignement et de l’apprentissage dans la mesure où sa réussite dépend essentiellement de la qualité du travail éducatif et non pas du numérique en soit même, dans cette même logique l’approche critique proposée dans le cadre de cette expérience permet de dépasser la pandémie avec flexibilité et créativité.

Pour sa part M. Said Bennis, enseignant chercheur à l’université Mohamed V, dans son intervention portant sur « Education à la culture digitale », explique comment la pandémie a généré une régression et une démission de tous les foyers de socialisation dans la société aussi bien civil que politique, et par conséquence on se trouve face à une télé-citoyenneté où télé-démocratie…

Cette transition se manifeste en une nouvelle forme de citoyenneté et de nouvelles formes de partage et un passage d’une société post moderniste à une société liquide où l’information passe par la logique de partage. Ceci n’empêche que cette logique peut amplifier le risque de partager des informations qui versent dans la haine, la violence.

Si l’enseignement à distance représente la solution ultime en ce temps de pandémie, cette solution comprend des marges grises qui peuvent nuire à la matrice des valeurs des sociétés d’où la nécessité d’une rétention des valeurs vue qu’on assiste à une socialisation par procuration, où le virtuel se présente comme la solution idéale pour encadrer et éduquer. Pour M. Bennis la démocratie numérique peut se traduire en un facteur de dissolution en termes de valeur et de socialisation durable.

 

Le 2eme panel intitulé «  l’éducation à l’ère numérique, quelques expériences comparées »

 

Le deuxième panel modéré par Mme Eddakhch Malika s’est tenu du 20h30 à 22h, dans l’objectif de partager des expériences comparées de l’éducation à l’ère numérique, il a connu la contribution de quatre intervenants, Mr Alpha Dia le directeur des études , de recherche et de l’innovation à l’université virtuel du Sénégal, Mr Ahmed Rebbani, enseignant chercheur à l’université HassanII de casablanca, Mr AbdelilahKadili , le président de la fondation Tamkine , et Mr Boubakar Diop, le président de l’association panafricaine pour l’alphabétisation et l’éducation des adultes.

La première intervention intitulée ‘l’inclusion numérique dans l’enseignement Supérieur à travers le cas de l’université virtuelle du Sénégal’ a porté sur l’expérience de l’université virtuel du Sénégal, crée en septembre 2013 après un débat de concertation sur l’avenir de l’enseignement supérieur, qui ressorti 78 recommandations, dans un contexte ou le secteur de l’éducation en Afrique et au Sénégal affronte des défis, notamment un défis démographique, pédagogique, financier et aussi un défis d’inclusion.

De même, l’enseignement supérieur au Sénégal est très peu développé, et la carte universitaire est déséquilibrée, puisque les universités publiques sont concentrées dans la zone West du Sénégal.

Toutefois, l’expérience de l’université virtuel du Sénégal, qui a passé de 2000 à plus de 57000 étudiants, représente un exemple réussi de l’inclusion numérique, en dépassant les contraintes liées au genre, en facilitant le suivi des cours pour les filles, et aussi des contraintes d’handicap, en permettant aux handicapés de continuer les études universitaires sans aucune difficulté.

La deuxième intervention intitulée ‘Enseignement supérieur accessible à tous : cas de l’université virtuelle Hassan II a exposé l’expérience de l’université Hassan II dans la digitalisation à travers le projet smart université, qui a commencé par une infrastructure physique, en installant des plateformes pour la formation, la recherche et l’administration, et l’accès gratuit à l’information par le réseau Marwan reliant les universités marocaines.

En créant des espaces de travail, de formation, de réunions, des forums, de conférences, des statistiques et autres, accessibles à tous les étudiants et professeurs, en mettant à la disposition de l’étudiant toutes les ressources lui permettant de devenir autonome.

La troisième intervention sur le rôle de la société civile dans la réduction du fracture numérique à travers l’exemple de la fondation Tamkine participante dans le processus éducatif d’une manière innovatrice, en développant des plateformes ayant atteint un million de membres, dans l’objectif de mettre le numérique à la disposition des apprenants, et à tous les accompagnants dans le domaine de l’éducation.

La fondation Tamkine a développé un programme ‘Tutoring’ permettant aux élèves, à l’enseignant et aux parents de s’inscrire gratuitement à un espace interactif, elle a aussi développé une plateforme appelé Tamkine Workspace  utilisé dans plusieurs pays à savoir la new zealand, l’Australie, la Singapour, et aussi le Maroc, dans quelques établissements scolaires, en plus d’une autre plateforme réservée aux journées portes ouvertes lancées en aout 2020.

La quatrième intervention intitulée ‘l’approche multimédia, multilingue, multi script pour une démocratie inclusive, solidaire et efficace en partageant l’expérience de l’Association Alpha et Formation des Adultes, a mis le point sur le problème de multitude linguistique et multitude de signes de culture au Sénégal, surmonté à l’aide les moyens multimédias et à la nouvelle technologie ayant facilité le partage et la communication.

De même les ONG et les syndicats ont joué un rôle important dans la mise à niveau des universités au Sénégal.

En réponse aux questions posées par l’audience, Mr aziz El-hajir considère que la formation des enseignants est une condition sine qua none pour la réussite de l’intégration des T. I. C dans l’enseignement. Les fractures numériques ne se limitent plus à l’aspect techniciste. Pour parer ces fractures, la formation à l’usage s’impose, et quand la technologie n’apporte pas de valeur ajoutée, elle n’a pas de sens et peut constituer un obstacle à l’atteinte des objectifs escomptés par l’enseignant.

Pour Madame Nadia Amine l’intégration du numérique et des T. I. C, au niveau de curricula de l’enseignement, doit être programmé au niveau primaire, pour éviter que les étudiants subissent des fractures numériques durant leurs parcours de formation.

Pour Mr Giovanni Pampanini, l’intelligence interculturelle est un concept expérimentée avec des jeunes de différentes origines, cette intelligence offre des possibilités et se présente comme étant la capacité de surmonter les problèmes de communication qui sont propre à la différence culturelle et des civilisations.

En répondant la question sur la relation du digital et valeurs, Mr bennis rappelle qu’au Maroc les réformes adoptées rattachaient l’enseignement à l’environnement économique, la nouvelle pandémie a poussée vers la digitalisation, les deux réformes marginalisent l’apport des valeurs, ce qui rend ces réformes sans âme et risque d’alimenter des sentiments antihumains, dans ce cadre Mr bennis plaide pour une école humaniste où l’homme est le noyau de tous le processus de l’enseignement.

Les principales recommandations :

 

  1. La nécessité de former les enseignants les outils de formation à distance.
  2. La nécessité d’une rétention des valeurs vue qu’on assiste à une socialisation par procuration, où le virtuel se présente comme la solution idéale pour encadrer et éduquer.
  3. L’intégration du numérique et des T. I. C, au niveau de curricula de l’enseignement, doit être programmé au niveau primaire, pour éviter que les étudiants subissent des fractures numériques durant leurs parcours de formation.
  4. L’idée de l’université virtuel représente un exemple de l’inclusion numérique, pour dépasser différents contraintes culturelles dans quelques territoires ainsi que les contraintes d’handicap chez les apprentis handicapés.
  5. Les organisations de la société civile doivent jouer leur rôle dans la réduction de la fracture numérique.
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