L’avenir des mouvements sociaux

  Abdallah Saaf

Directeur du CERSS

Le changement de période ou de phase, s’il se confirme, impose de renouveler les interrogations nécessaires : Quelle évolution de la mondialisation et du néo-libéralisme ? Quelles réponses aux politiques des Etats ? Comment se développeront les luttes sociales contre l’hégémonie économique, politique, sociale et idéologiques du néo-libéralisme pour un accès égalitaire aux droits fondamentaux ? Quel avenir pour les forces oppositionnelles au système actuel ? Quelles perspectives pour les mouvements sociaux ? Quel avenir pour les projets alternatifs ?

Les observations qui suivent essaieront d’identifier les traits saillants de la situation actuelle, les acteurs à même de porter les projets alternatifs, la place et le rôle du Forum Social Mondial, et les réponses possibles…

  1. L’état des lieux

Plusieurs traits peuvent être soulignés pour caractériser la situation actuelle du système mondial :

  1. En premier lieu il se constate une reprise en main par les dirigeants du capitalisme mondial, au milieu d’une succession de transformations du néo-libéralisme (le libéralisme austéritaire, le libéralisme sécuritaire, le social-libéralisme, notamment à travers les nouvelles figures de l’Etat, et tout particulièrement les variétés de recours à l’Etat social…
  2. En second lieu un autre trait de la phase actuelle consiste dans le durcissement des répressions, des redéploiements du projet de contrôle militaire de la planète, et du coup une reconfiguration de la géostratégie mondiale…
  3. Un des traits majeurs de la présente phase s’incarne dans le renforcement des idéologies identitaires et racistes, un repli vers le niveau régional ou national, le développement quasi irrésistibles des poussées fascisantes, des alliances sécuritaires et des droites populistes avec des bases populaires non négligeables dans les pays occidentaux…
  4. A noter également la complexification de l’opposition Nord-Sud. A noter aussi en Asie comme en Afrique, nombre de dérives culturalistes accentuées, l’investissement dans les rassemblements religieux ou ethniques …

En même temps, outre ces traits, prédomine fortement une grande confusion. La marque principale du moment présent, avec l’essoufflement des processus entamés antérieurement, voire avec nombre de ruptures, de plusieurs pré positionnements, est une grande incertitude.

 

  1. Les forces oppositionnelles actuelles

Au cours des deux dernières décennies une ligne de démarcation nette s’est dégagée entre les forces que dans le langage de nombreuses adhérents à l’esprit du FSM on appelle les forces anti-systémiques d’une part, des classes dirigeantes du système capitaliste et de leurs dispositifs.

Des générations de forces oppositionnelles se sont succédées et se maintiennent toujours sur les lignes de front avec plus ou moins de force et de vigueur : l’ancienne gauche institutionnelle, plus ou moins réformiste, dans le système ou hors système, les partis politiques, les syndicats, les maoïsmes, les nouvelles gauches les coalitions de lutte contre le néo-libéralisme sous toutes ses formes, les mouvements sociaux dans leurs diversité, les féministes, les antiracistes, les paysans, mes mouvements représentants des minorités ethniques et des populations autochtones…

S’est manifestée une myriade de nouveaux mouvements et expériences po de prise en charge de l’espace public : Occupy Wall Street, Reclaim the streets, le mouvement des 99%, les Black lives Matter, Me too, les Indignados…

Au niveau des pays des essais de constructions de fronts des pays et des peuples du Sud ont eu lieu. Il est évident que les pays ont un projet national et que de nombreux autre n’en ont pas et acceptent de s’ajuster unilatéralement aux exigences du déploiement impérialiste.

 

  1. Place et rôle du FSM

Ce qui précédé ne remet pas en cause la nature des sites de résistance et de lutte pour des perspectives alternatives comme le FSM (la question se pose de savoir s’il en est d’autres). Il demeure aujourd’hui encore un espace vital nécessaire comme le font voir les débats au sein du Forum. Les débats ayant eu lieu et ceux en cours en son sein renseignent sur ses identités multiples : tantôt le forum est défini comme espace (facilitant les interconnexions, les actions communes) , tantôt comme mouvement, (mouvement de mouvements ou famille de mouvements), avec des logiques de lutte ou des logiques d’organisation ( fondées sur des bases d’autonomie, ou sur les règles propres à l’univers associatif, présentant un caractère directif ou sans, reposant sur le centralisme démocratique ou sur une structure collaborative de gouvernance, des pratiques fondées sur une configuration verticale, hiérarchisée des partis, des syndicats et des associations ou sur des formes horizontales de coopération, espace ouvert ou d’action politique ouverte, qu’il s’agisse de l’action à long terme ou d’action sporadique…

Ces repères ont constitué autant d’éléments ayant nourri jusque là les débats sur la nature du FSM. En dépit des changements survenus, il est peu probable qu’ils soient dépassés par les récents développements.

  1. Les objectifs de la phase en cours

De même dans ce contexte changeant le noyau dur des propositions précédemment avancées dans le cadre du FSM semblent être toujours d’actualité : la régulation du marché, la promotion des droits des femmes, l’environnement, la défense des services publics, l’engagement pour une économie-monde démocratique et égalitaire, la résistance au démantèlement des droits acquis, la construction de nouvelles hégémonies, la demande de démocratie, la contestation de l’hégémonie occidentale, aux agressions armées…

Le combat reste celui en faveur d’une mondialisation négociée et non imposée unilatéralement par le capital et l’impérialisme. En réalité les éléments du triptyque constituée par l’affirmation de la souveraineté des Etats et de leurs peuples, le progrès social et la démocratisation sont fortement liés et constituent l’axe central de tout projet.

  1. Que faire ? Comment faire ?

Comment sortir du cycle des rencontres devenues par la force des choses relativement rituelles, redondantes et peu innovantes ? En même comment éviter le danger d’effritement qui peut guetter le FSM ? Comment redynamiser l’espérance altermondialiste ?

Tout incite à lancer de grands cycles d’échanges des opinions à l’échelle planétaire, de nouveaux réflexions et analyses sur la nature et la portée des modes alternatifs dans le système monde actuel. En effet l’heure est à la mobilisation de la réflexion collective, la recherche de nouvelles perspectives pour l’action…Dans la perspective de coordination des luttes, il s’impose de faire ressortir un projet commun issu des mouvements et des processus structurants avec les mouvements populaires.

 

Rabat/ Novembre 2022.

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