INTRODUCTION
Plus de cinquante ans après l’indépendance, le bilan du processus de remembrement du territoire marocain demeure provisoire exposant l’aspect particulier de sa décolonisation. Protectorat de 1912 à 1956, le pays avait, en dépit de la tutelle coloniale, conservé souverain et régime politique sous un ordre institutionnel d’allégeance au sultan. Ainsi, même assortie d’une administration moderne et d’une relative décentralisation autochtone, le makhzen a joué un rôle déterminant dans la construction d’une forme originale d’Etat-nation. En outre, malgré la suppression des frontières internes du protectorat franco-espagnol, le territoire marocain demeure inachevé étant donné la revendication du « Maroc précolonial », la lente digestion des provinces sahariennes et les revendications pendantes sur les enclaves espagnoles.
Cette caractéristique a conduit à une unification politique, juridique et économique autour du legs colonial français, mais elle pose, dans le cadre africain, le problème de la non-reconnaissance, par Rabat, du « principe de l’intangibilité des frontières coloniales » dont le recouvrement des «provinces sahariennes», est perçu comme une atteinte d’où la controverse sur l’admission de l’entité saharienne, le retrait et l’ancrage du Maroc à l’Europe.
Depuis l’avènement de Mohammed VI on assiste à une rupture dans la « fonctionnalité » du territoire. Alors que l’enjeu sécuritaire avait prévalu sous l’ère précédente, le nouveau règne opte pour la modernisation économique, notamment à travers l’encouragement d’investissements étrangers pour impulser une croissance vitale à l’urgence sociale. Dans la nouvelle vision, la construction du territoire est perçue à travers son développement économique et donc, la promotion des politiques publiques d’ouverture sur l’environnement international.L’intérêt pour le territoire passera, dans un premier temps, des régions, occupant une place importante dans le discours, au centre, fondamental pour les enjeux. Seront donc examinées, à travers la problématique de la gestion des RHPS, les transformations de l’espace économique au cours de cette période avec la territorialisation des PP et la prise en compte de territoires infranationaux. Préalablement à l’examen des modalités d’une gestion territorialisée de ces ressources il importe d’en définir le cadre conceptuel et juridique.
I-LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA RÉGIONALISATION DES POLITIQUES PUBLIQUES SECTORIELLES (HALIEUTIQUES)
Comme l’illustrent les développements qui suivent, ce cadre est, à prime abord, conditionné par l’enjeu de la revalorisation des régions marges par le pouvoir central.
A- Les enjeux de la revalorisation des collectivités territoriales (CT)
La reconstitution du territoire national semble s’opérer, d’abord, au niveau des marges où, depuis quelque temps, l’investissement de l’Etat est significatif (Tanger, PS, Nador, Oujda etc.). En évoquant comme voisins – la Méditerranée, l’Atlantique, l’Algérie et la Mauritanie–le discours officiel occulte les enclaves ibériques récusant la souveraineté espagnole source permanente de tension (crise de l’îlot de Leila en 2002, visite controversée du roi Juan Carlos aux présides en 2007). Depuis l’indépendance de l’Algérie (1962), la frontière orientale fut plus fermée qu’ouverte mais les crispations les plus vives portent paradoxalement sur les PS récupérées au lendemain de la « marche verte » et du retrait mauritanien (1975-1979) à la suite d’une campagne consacrée au resserrement de l’unité nationale. Aujourd’hui encore, la marocanité du Sahara constitue avec l’Islam et le roi des « sacralités » et, de fait, protégé par les murs de sables et connaissant d’importants investissements, le Sahara récupéré s’est profondément modernisé et urbanisé.
L’enjeu des périphéries est désormais économique avec au nord, trois positions clefs : Près de L’Algérie, les pouvoir publics prépare Oujda à tirer partie d’une frontièreen voie d’ouverture. Limitrophe de Melilla, Nador a désormais supplanté démographiquement et économiquement sa voisine progressivement encerclée. Enfin, Tanger, au contact de l’Europe et à la joncture des mers est le lieu du principal projet royal. La création d’une zone franche (1999) et la construction d’un port pour navires porte-conteneurs sur le détroit ont suscité des investissements massifs induisant une rapide urbanisation.
1-Le déploiement étatique à la périphérie
Depuis l’indépendance (1956), le pouvoir, appréhensif des « turbulences périphériques », porte aux périphéries un intérêt que les préoccupations économiques augmente. Les walis (préfets) y sont des hommes de confiance du makhzen et, ces marges sont devenues des « aires de compétence » d’un nouveau type d’acteurs liés au pouvoir central : les Agences. Dans le nord, l’Est et le Sud, trois d’entre elles coordonnent l’action des services publics au profit du développement régional à partir de sièges établis à Rabat. A Tanger, le grand projet renforce également la place du centre. C’est, à ce niveau, que se négocient les grands investissements privés. L’Agence TMSA[1] dont le « Conseil de surveillance » est composé de hauts fonctionnaires et présidé par un conseiller du roi, remplit une triple-mission : constructeur du port, gestionnaire de celui-ci et aménageur d’une zone de développement de 550 km2 à l’est de la ville. A côté de cette Agence et du Wali, les CL et même les administrations décentralisées sont déclassées par l’importance des pouvoirs dérogatoires des premiers permettant au pouvoir central de tenir les périphéries.
Le Maroc est aujourd’hui engagé dans de nombreux chantiers: politiques, économiques sociaux ayant tous un impact sur la relation Etat-territoires. Déconcentration, décentralisation, émergence d’une société civile, ouverture aux influences extérieures et privatisation partielle de l’Etat réorientent des PP progressivement coproduites par l’Etat et ses divers partenaires. Toutefois, pour aussi affaibli qu’il paraisse, l’Etat conserve son autorité en réinventant les moyens de sa puissance. Depuis l’avant-dernière révision constitutionnelle (1996), le Maroc est entré dans une « ère de changement » marquée par de profondes transformations: Economiques, avec la volonté de mise à niveau animant les acteurs économiques mobilisés pour une insertion compétitive dans les échanges internationaux. Sociétales, avec l’accélération de l’urbanisation et ses implications sur les pratiques et les relations sociales (habitat, accès aux services sociaux, au travail etc.). Enfin Politiques, avec la volonté de décentralisation de l’appareil étatique et la reconnaissance du pluralisme politique.
Ces changements sont le produit, à la fois, du nouvel ordre politique (nouveau concept d’autorité) associé à l’avènement de Mohammed VI et des retombées des dynamiques internationales atteignant diversement le Maroc (politique d’ajustement structurel, impact des communautés marocaines expatriées, délocalisation de l’appareil productif mondial etc.). Exposé à ce flot de mutations l’Etat tente de résister aux injonctions d’un libéralisme œuvrant à son affaiblissement. Néanmoins, en dépit de la concomitance de ces influences, l’Etat marocain demeure un acteur majeur du changement traversé par le pays[2].
Héritier d’une longue tradition centralisatrice, le royaume dispose de plusieurs registres d’actions mais le domaine où il semble concéder une partie significative de ses prérogatives est celui de la production territoriale. Au Maroc, le rapport de l’Etat à son territoire a d’abord été conflictuel. Historiquement, le makhzen s’est construit dans la centralisation d’un espace hétérogène, structuré autour de territoires plus ou moins reliés. Localement, dans les « régions périphériques » (Rif, oriental, PS etc.) l’impact dumakhzen était variable. La nouvelle culture politique, basée sur la concertation et le consensus, contraint l’Etat à repenser sa politiquerégionale et la manière dont il aménage, à cet égard, l’espace national témoigne des difficultés de ce repositionnement. [3]
L’objet de cette étude est d’explorer, à travers la problématique de la gestion des ressources halieutiques des PS, cette articulation de l’Etat aux régions. Dans la mutation que le royaume entame, le territoire se divise en plusieurs espaces dont sont reconnues les spécificités. On peut donc se demander comment les régions subissentcette inflexion étatique et l’inhérente réorientation des PP. En quoi ces PP – en l’occurrence celle des RHPS – témoignent d’un nouveau rapport au territoire. Le rapport de l’Etat à l’espace national évolue doublement : celui-ci n’est plus un substrat homogène mais une juxtaposition de territoires dont la spécificité favorise leur perception comme des outils de développement et non seulement des produits socio-spatiaux.
2-Le repli progressif de l’espace makhzenien
L’évolution des conceptions de l’espace dans les PP résulte d’une double tendance: l’influence idéologique des organismes internationaux promoteurs de valeurs universelles (libéralisation, démocratisation, décentralisation etc.) et leur souci de restreindre l’influence des Etats en facilitant l’émergence d’une société civile. Le royaume s’est donc lancé dans un vaste programme d’ajustement structurel pour stabiliser le cadre macroéconomique et opérer une mise à niveau générale. Au Maroc, ce nouveau rapport à l’espace s’explique aussi par la volonté de rupture animant le nouveau pouvoir. En reconnaissant la pluralité du jeu social et la diversité de l’espace marocain, Mohammed VI rompait avec la vision centralisatrice et unificatrice du makhzen et confirmait l’évolution des PP engagées au début des années 80.
L’espace makhzenien est la construction politique qui unifia le Maroc avant le protectorat. Ce fut l’aire d’influence du makhzen caractérisé par un emboitement de pouvoirs du Palais aux moqaddems[4]. Ce fonctionnement par relais, inscrit l’espace dans des relations centre/périphérie peu propices à la gestion des régions alternativement négligées, irrédentistes ou en rébellion.Dans ces CT, le makhzen est perçu comme un « système subi » plutôt qu’un cadre d’appartenance ou de participation. Reconnaitre leur diversité et rompre ce mécanisme c’est reconnaitre leur égalité et retirer aux périphéries le caractère de « marges nationales ». De ce point de vue, le découpage régional de 1996 est explicite : le Rif, par exemple, est scindé en trois régions administratives, dont l’une – Taza/Alhoceima/Taounate – est pensée comme arrière-pays de Fès. De même le redécoupage des PS, associant une de leurs parties anciennement libérée au Sahara récupéré témoigne de la volonté de réintégrer les périphéries dans l’espace national tout en renforçant leur capacités d’autogestion[5].
La réforme territoriale engagée envisage le territoire à une autre échelle que l’espace makhzenien: sa dimension nationale cède la place à une « dimension territoriale » reconnaissant la diversité et l’autonomie des espaces composant le pays. Ceux-ci sont soumis à une CL juridiquement autonome quels que soient ses moyens. Ces espaces sont reconnus et produits par des PP fondées sur la concertation avec les acteurs locaux et soumis davantage à une souveraineté locale que nationale.
3-La région, centre et outil du développement économique et social (DES)
Domaine fertile pour le développement économique et social, la région est aujourd’hui au centre des préoccupations de l’Etat comme l’illustre l’élaboration de plans régionaux basés sur une vision prospective générale et la coordination des programmes, équipements et efforts des acteurs locaux. L’introduction de la dimension spatiale dans la stratégie de développement suscita des retombées perceptibles à travers l’émergence de « métropoles régionales » devenus des centre de rayonnement grâce aux équipements de base et au tissu industriel et commercial. Cette démarche vise aussi la réduction des disparités régionales au moyen d’une approche combinant l’exécution de projets de mise en valeur etla promulgation d’un cadre réglementaire incitatif pour les déploiements des CL, de la société civile et secteur privé.
C’est dans cette perspective que furent conçus les «Centres Régionaux d’Investissement » (CRI) et les «Agences Régionales de Développement »(ARD). Plus de 16 CRI et 3 ARD furent établis depuis 1996[6] mais des déficiences persistent. Leur fonctionnement reste dominé par une concentration des pouvoirs au niveau central dont dépendent les activités d’études et de planification. En l’absence d’un système d’information efficient et d’études socioéconomiques sur le potentiel local, la planification régionale est réduite à une « régionalisation du plan » et les structures déconcentrées assimilées à des instruments d’exécution[7]. Sans réel pouvoir de décision et de négociation avec les partenaires régionaux, ces entités ne peuvent accomplir leur mission dans les conditions réglementaires requises.
B-Les fondements et les instruments institutionnels de la régionalisation des PP
La recomposition territoriale du Maroc et la fin du système makhzenien conditionne la viabilité de la réforme de l’Etat qui est inconcevable sans une transformation de la puissance publique. Or, la simultanéité des deux dynamiques semble faire obstacle à leur succès. La « territorialisation des PP » passe par une réorganisation de l’appareil étatique à travers une politique de décentralisation conférant aux CL des compétences étendues et leur permettant de participer à l’élaboration des PP. Aujourd’hui la relation décentralisation-développement repose sur les fondements et les instruments institutionnels suivants :
1-Les fondements institutionnels
1.1-Le nouveau concept de l’autorité (NCA)
A peine amorcé, le processus de décentralisation place encore les acteurs locaux sous la tutelle du pouvoir central. Les structures déconcentrées, limitées dans leur autonomie décisionnelle, véhiculent localement ce pouvoir empêchant l’émergence d’un jeu politique local en servant des PP territorialisées mais pas encore « territoriales». Dans la projection du NCA la responsabilité de l’administration « consiste à assurer la protection des libertés et droits, à veiller à l’accomplissement des devoirs et à réunir les conditions de l’Etat de droit à la lumière des choix opérés, à savoir, la monarchie constitutionnelle, le multipartisme, le libéralisme économique et les obligations sociales consacrées par la constitution »[8]. Est également intégrée la protection des services publics, des affaires locales etc… ce qui nécessite l’association des CL au règlement de leurs problèmes. Leur protection est assurée au double-niveau du rapport Etat-CL (jusqu’ici tributaire de la tutelle administrative) et des ressources nécessaires à l’exécution de leurs décisions. Le NCA prévoit un allègement de la tutelle et une plus grande autonomie administrative et financière des CL basée sur le principe de subsidiarité (subordonnant l’intervention publique à la défaillance locale). Ce concept est, par ailleurs, appuyé par le nouvel aménagement des rapports centre-périphérie.
1.2-La réévaluation des rapports centre-périphérie
Le développement régional constitue la pierre angulaire de la gouvernance moderne. Le Maroc connait depuis le début de la décennie 90 un développement économique soutenu par des « dynamiques territoriales ». Il en est ainsi des « pôles économiques et sociaux » comme de l’expansion des grandes villes (Tanger, Casablanca, Laayoune, Fès, etc.). Au-delà des concepts, le DR est sous-tendu par une approche et des mécanismes propres.Conformément aux textes réglementaires, les PP sont conçues dans une « perspective territoriale » notamment dans les « zones déshéritées » où la complexité des problèmes nécessite des solutions intégrées d’où l’importance de l’interaction CL-environnement. L’«approche territoriale» s’impose car le territoire est le niveau adéquat pour l’évaluation de cette interaction et que les concepts abstraits au plan national (citoyenneté, responsabilité etc.) deviennent tangibles au niveau local.Partie intégrante de cette approche, le « principe de subsidiarité active » attribue à chaque niveau local la faculté d’élaborer des réponses spécifiques à des problèmes communs d’où la nécessité d’une collaboration centre-périphérie. Les problèmes relatifs à l’éducation, la santé, l’aménagement du territoire ne peuvent être traités qu’à travers la mobilisation des relations entre les niveaux territoriaux et les niveaux correspondants de gouvernance. C’est la capacité des pouvoirs publics à organiser ces synergies qui détermine l’évolution du DES. Celle-ci nécessite une adaptation des mentalités et des procédures comme le prévoit,du reste,la nouvelle constitution (1erjuillet 2011).
1.3-L’apport des nouvelles dispositions constitutionnelles
Privilégiée par la Constitution du 1erjuillet 2011, la GPP, qui embrasse l’ensemble des dispositifs étatiques mobilisés pour résoudre les problèmes posés aux différents niveaux de la communauté, est le moyen de concrétiser, à la fois,la citoyenneté et les engagements de l’Etat. Partie intégrante du territoire, les PS bénéficient de ce dispositif dont les axes leur ouvrent de larges perspectives : Primo, leur consécration comme composante de l’identité marocaine et projection géopolitique d’un Etat dont le Hassani est partie intégrante du patrimoine national (art.5). Secundo, le renvoi à des principes de base dans plusieurs articles : libre administration, contrôle de la gestion économique et financière (art.146) ; respect de la loi, transparence, etc… (art.155) ; Charte des SP (art.157). Tertio, droits économiques et sociaux (art. 31) renforcés par les principes d’égalité et de non-discrimination (art.154). Au Plan régional, sont consacrées, à travers le principe de «péréquation inter-territoriale», les bases d’une solidarité interrégionale (art.142). Enfin, la région est érigée en partenaire de l’Etat par le principe de « coproduction des PP nationales et territoriales » puisque l’article 137 précise que« les CT participent à la mise en œuvre de la politique générale de l’Etat et à l’élaboration des PP territoriales à travers leurs représentants à la Chambre des Conseillers». Ces PP sont, en partie, mises en œuvre à travers les instruments et agents suivants :
2-Les instruments et les agents de la territorialisation des PP
On compte parmi les mécanismes et dispositifs de la production territoriale les Programmes territoriaux nationaux, le Plan d’autonomie pour le Sahara et les implications du « concept de la régionalisation avancée ».
2.1-Les Programmes territoriaux nationaux
Ces programmes jouent un rôle décisif en matière de DR. Ils engagent plusieurs acteurs (EP, ministères et CL). Bien qu’elles y soient associées, ces programmes ne sont ni initiés, ni principalement financés par les CL (interviennent à hauteur de 15% à 25%). Les apports essentiels proviennent de l’Etat, des EP, des populations bénéficiaires ou de la coopération internationale. C’est le cas, par exemple, du Programme d’Électrification Rurale Globale (PERG) financé à hauteur de 55% par l’ONE, de 20% par les CL et de 25% par les bénéficiaires. Ces programmes transversaux portent sur le développement des infrastructures de base. En milieu rural, c’est le PERG, le Programme d’Approvisionnement Groupé en Eau Potable des Populations Rurales (PAGER), le Programme National des Routes Rurales (PNRR) ainsi que le Programme d’Accès Généralisé aux Télécommunications (PACTE). Pour l’urbain, c’est le Programme Villes Sans Bidonvilles (VSB) et le Programme National d’Assainissement Liquide (PNAL). Les investissements cumulés de ces programmes avaient atteint 10,200 MMDH en 2008[9]. Parallèlement aux programmes nationaux, fut conçu, pour les PS, le « Plan d’autonomie pour le Sahara » et élaboré le CRA.
2.2-Le Plan Marocain d’Autonomie de la Région du Sahara (PMARS)
Né dans l’après-guerre dans le contexte de la reconstruction européenne, le concept de DR inspira la politique de décentralisation pour établir un équilibre dans la répartition des équipements entre les pôles régionaux. Le PMARS en tire ses fondements et son approche participative. Il contient les éléments de base d’une société démocratique fondée sur le respect du droit et des libertés individuelles et collectives. Cet objectif reste néanmoins tributaire du développement socioéconomique.La réussite de tout projet DR dépend, de la satisfaction des besoins des populations concernées, de sa compatibilité avec leurs spécificités et de la mobilisation des potentialités humaines dans une synergie procédant d’une volonté commune d’instaurer un meilleur cadre de vie. Ainsi, conformément au paragraphe 12 du plan, les « populations de la région, agissant par leurs organes législatif, exécutif et judiciaire, auront, dans leur cadre territorial, compétence dans divers domaines ». Elles disposeront des ressources financières nécessaires à leur développement et sont appelées, par ailleurs, à participer activement dans la vie économique et sociale du royaume.
Dans le droit fil des interventions consacrées à la modernisation de l’Etat, le souverain marocain avait, à l’occasion du discours commémorant le 33ème anniversaire de la « marche verte » (6 novembre 2008), décrété la création d’une Commission Consultative sur la Régionalisation (CCR) chargée de l’élaboration du projet d’une « régionalisation avancée et graduelle englobant toutes les régions avec, à leur tête, la région du Sahara marocain ».
2.3-Le Projet de la Régionalisation Avancée (PRA)
Dans l’esprit du souverain marocain, celle-ci doit reposer sur les fondamentaux suivants : Unité de l’Etat, de la Nation et du Territoire, équilibre dans la répartition des compétences/moyens entre l’Etat et les régions, solidarité nationale, découpage rationnel donnant à chaque région des possibilités réelles de développement. Dans le même temps est réaffirmée la nécessité d’une charte nationale de la déconcentration prévoyant, les mécanismes juridiques appropriés pour une gouvernance territoriale conférant aux walis et gouverneurs les prérogatives nécessaires à leur mission. Annoncée dans le discours du Trône du 30 juillet 2009, la CCR fut instaurée le 3 janvier 2010. Pour le souverain, qui en a défini la philosophie et les principes, le projet consiste à élaborer un « modèle national de régionalisation avancée » pour toutes les régions et qui, sans récuser l’apport des expériences extérieures (Italie, Allemagne, France), constituerait un «modèle conforme aux spécificités du pays » à savoir : La Monarchie marocaine garante de l’unité nationale et incarnation de la symbiose entre les composantes du peuple et un « patrimoine historique séculaire » allié à une évolution moderniste[10]. Pour la CCR il s’agissait, à la fois,de « poser les fondements d’un modèle avant-gardiste et de fournir des réponses audacieuses à des questions majeures ». Le discours royal énonce quatre principes devant inspirer sa préparation : 1) L’attachement aux sacralités et aux constantes de la nation enracinant la régionalisation dans la singularité et la diversité du Maroc. 2) La mise en place de mécanismes de solidarité renforçant la cohésion interrégionale. 3) La répartition judicieuse des compétences et des moyens. 4) L’évolution vers une large déconcentration pour une régionalisation où walis, gouverneurs et délégués territoriaux des administrations décident et concrétisent, en coopération avec les élus, les actions commandées par les intérêts locaux[11]. Cette perspective est confortée par l’intervention de partenaires spécialisés.
2.2-Les agents de promotion du développement régional
L’action au niveau régional est relayée par l’intervention des acteurs suivants :
2.2.1-Les Entreprises Publiques (EP)
En quête d’efficacité, l’Etat recourt aux EP pour la réalisation de ses investissements et à une démarche participative à travers des programmes nationaux impliquant CL et EP. Les investissements des EP jouent un rôle déterminant puisqu’ils contribuent à réduire les disparités en matière de fourniture des infrastructures de base. (ONE, ONEP, etc.). La contribution des EP dans l’investissement public n’a cessé de se renforcer passant de 45% en 2001 à 60% en 2009. Cette tendance à privilégier l’investissement des EP s’explique par l’efficacité reconnue de leur gestion. Ainsi, le taux de réalisation de leurs investissements a atteint 91% en 2008 alors que celui des départements ministériels est de l’ordre de 73%. A côté des EP, on trouve le Conseil Économique et Social de la région autonome du Sahara[12].
2.2.2-Le Conseil Économique et Social (CES)
Inscrite dans le cadre de l’édification d’une société démocratique moderne, fondée sur l’Etat de droit, les libertés individuelles et collectives et le DES (point 3), « l’Initiative Marocaine pour la Négociation d’un Statut d’Autonomie pour la Région du Sahara » propose un projet de développement basé sur deux éléments principaux : des organes décisionnels (un exécutif et un législatif) et une structure consultative, associant la population au développement. Ainsi le point 6 stipule que cette région « disposera d’un CES composé de représentants des secteurs économiques, sociaux, professionnels etc. ainsi que de personnalités hautement qualifiées». L’intérêt du CES est de fournir, à côté des organes décisionnels, un espace de dialogue et de concertation dans les domaines économiques et sociaux. Pour Abdellah harsi, c’est un outil de développement participatif conforme aux objectifs onusiens du Millénaire pour le Développement (OBD) (réduction de la pauvreté, éducation, santé, environnement etc.)[13]. La contribution du CES au développement régional est, par ailleurs, appuyée, par l’action pointue de l’Agence pour la Promotion et le Développement des Provinces du Sud.
2.2.3-L’Agence pour la Promotion et le Développement des Provinces du Sud (AS)
Cette institution englobe les trois régions méridionales : Guelmim-Essemara, Lâayoune-Boujdour-Saquiet Elhamra et Oued-Eddahab-Lagouira. Dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, l’AS se déploie sur trois axes principaux : 1) Étude et proposition de projets de nature à promouvoir le DES des PS aux acteurs étatiques et aux investisseurs.2) Montage financier des projets. 3) Suivi et exécution des programmes élaborés. L’AS œuvre, avec les acteurs politiques, économiques et sociaux, ainsi que la société civile à l’élaboration de stratégies de développement. Le « Plan de développement 2004-2008 », conçu par l’AS, et fruit de cette synergie, est doté d’une enveloppe de 7,2 milliards de dirhams (800 millions de dollars), couvrant26 projets dont 18 sont consacrés aux PS notamment: modernisation de la pêche artisanale et côtière à travers la création de villages de pêche sur des sites à fortes potentialités pressentis comme des « pôles de développement »etc.[14]. Outre l’AS, le programme est financé par des départements ministériels, des EP, les CL et des fonds privés. L’action de l’AS est soutenue par la contribution des centres régionaux d’investissement.
2.2.4-Les Centres Régionaux d’Investissement (CRI)
Dans sa lettre au PM du 9 janvier 2002, relative à la gestion déconcentrée de l’investissement, le souverain marocain décréta la création des « CRI». Les 16 CRI créés sont des mécanismes de promotion de l’investissement au double-plan national et régional. Ils conduisent des « politiques territoriales décentralisées ». Leur rôle ne se limite pas à celui de « guichet régional unique », mais s’étend à des fonctions plus larges telles que le marketing des atouts environnementaux, fiscaux, sociaux de la région et la fourniture, aux opérateurs économiques, des données valorisant les potentialités régionales. Les CRI sont structurés sur deux niveaux :Le Guichet d’aide à la création d’entreprises, met à la disposition des investisseurs un formulaire étayant les renseignements (législatifs/réglementaires) relatifs à la création d’entreprise et assiste à l’accomplissement des formalités.Le Guichet d’aide aux investisseurs, procure les informations nécessaires à l’investissement ;étudie les demandes d’autorisation et prépare les actes nécessaires à la réalisation des projets dans les secteurs agrées (industriels, halieutiques, agro-industriels, touristique, etc.) si l’investissement est inférieur à 200 millions dh et permet au wali de délivrer des autorisations/signer les actes administratifs requis. Evalue (si l’investissement est égal/supérieur à 200 millions dh) les projets de contrats à conclure avec l’Etat et les transmet à l’autorité compétente pour approbation. Enfin, arbitre les différends entre les investisseurs et les administrations[15].
C’est dans ce cadre conceptuel et institutionnel que l’on peut appréhender les modalités d’une « gestion territorialisée » des ressources halieutiques des provinces sahariennes.
II- PORTÉE ET LIMITES DE LA GESTION TERRITORIALISÉE DES RESSOURCES HALIEUTIQUES DES PROVINCES SAHARIENNES (RHPS)
Avec un littoral de 3500 km richement doté, le Maroc possède un réel potentiel halieutique. Les caractéristiques naturelles ont fait de zone atlantique l’une des plus productives du monde érigeant la pêche en moteur de développementéconomique du pays. Ce secteur n’a cependant connu son essor qu’à partir des années 60.La récupération des PS (1975), le potentiel biologique généré par l’extension de la ZEE à 200 milles (1981), l’accroissement de la demande mondiale des produits halieutiques et l’évolution technologiqueont ouvert de larges possibilités d’investissements rentables. Ces éléments ont sensiblement modifié les pratiques du secteur qui, en 40 ans, est passé d’une pêche artisanale à une activité industrialisée d’espèces de grande valeur ajoutéetournée vers l’exportation. Espace vaste, aride et sous-peuplé les PS n’en sont pas moins une pièce centrale dans ce processus de relance de l’économie nationale par les PP.
A-L’évolution des politiques publiques halieutiques
L’intérêt accordé au secteur halieutique dans les PP s’explique par ses impacts économique et social sur l’économie nationale et régionale. Représentant 2,5% du PIB national, le secteur réalise annuellement un apport en devises d’un milliards de dollars et emploie plus de 500 000 personnes. Cet intérêt est d’autant plus vital que la pêche constitue, pour certaines régions – dont les PS – la principale activité génératrice de revenus et d’emplois. Ces effets positifs ont permis de classer le secteur halieutique parmi les priorités des plans précités. Les décennies 70 et 80 se sont illustrées par l’ampleur de l’effort financier de l’Etat dans l’établissement des structures de base et l’exploitation des ressources par les opérateurs nationaux[16]. Au plan juridique, le dahir de 1973, relatif aux pêches maritimes, institua la zone des 12 miles marins et la subordination du droit de pêche à l’obtention d’une licence. En 1981, la ZEE fut étendue à 200 miles et la même année fut créé le Département des pêches maritimes (DPM). Cette phase correspond à la promulgation du « code des investissements maritimes » (1973) en vertu duquel les investisseurs marocains bénéficiaient de la garantie étatique pour les crédits à hauteur de 70% du coût total de l’acquisition des navires, de la ristourne sur le taux d’intérêt, de primes d’équipement, d’emploi et de diverses exonérations fiscales. Ces incitations avaient boosté l’investissement dans la flotte de pêche et permis l’apparition d’une flotte hauturière.
1-Les mesures incitatives
Celles-ci sont contenues dans les plans de développement et les codes des investissements.
1.1-Les Plans de développement
Le gouvernement marocain n’a entamé une action d’organisation/de promotion du secteur qu’à partir des années 70. L’importance donnée à celui-ci dans les plans de développement fut accompagnée d’une action législative destinée à promouvoir l’investissement privé (codes des investissements) et à préserver ces ressources du pillage (extension de la ZEE). Le plan 1973-1977 marqua lança la pêche hauturière et la valorisation des prises. Les ressources financières allouées au secteur (308 millions de Dh) dépassaient les crédits engagés dans les plans antérieurs. Ainsi la promotion commerciale bénéficia de 13 millions de Dh (150 fois le montant précédemment affecté) et l’acquisition de nouveaux bateaux de 280 millions Dh. En raison du fléchissement des cours des phosphates, le Plan Triennal 1978-1980 enregistra une baisse des investissements prenant fin avec le Plan Quinquennal 1981-1985 qui fit du secteur un pôle de développement économique et social, étant donné ses effets d’entrainement (emplois, désenclavement, etc.) ; un réservoir de ressources alimentaires et une source de devises bénéfique pour la balance des paiements[17]. Le Plan d’action quinquennal 2005-2009 porta sur la mise à niveau de la filière de la pêche côtière-artisanale notamment dans les PS (modernisation, construction de villages/halles de pêche etc.). L’objectif de cette stratégie est de développer un secteur, où les PS occupent une place centrale étant donné leur potentiel halieutique d’où l’effort investi dans les infrastructures portuaires et le développement d’une industrie du froid permettant un approvisionnement régulier du marché intérieur. Aux plans de développement sont associés les codes des investissements.
1.2-Les Codes des investissements
Conçus pour dynamiser le secteur halieutique, ces codes constituent la clef de voûte des mesures incitatives. Ainsi, le Code des investissements du 13 aout 1973[18] gratifiait l’activité de : L’exonération totale de l’impôt sur les bénéfices professionnels pendant les 10 premières années de l’exploitation, l’exonération totale de l’impôt des Patentes pour 5 ans, une prime d’équipement de 15 % du montant de l’investissement, une prime de sélectivité de 7 % pour les bateaux de moins de 5 ans, le transfert des dividendes nets d’impôts distribués aux non-résidents etc.. Par ailleurs, le Code des investissements du 5 octobre 1984[19] accorde entre autres: l’exonération totale de l’impôt sur les bénéfices professionnels pendant les premières 10 années ; l’exonération totale de l’Impôt des Patentes pendant les 5 premières années ; une prime d’équipement de 7,5 % du prix des navires de pêche neufs/d’occasion acquis à l’étranger et de 15% de celui des navires neufs locaux etc. Ce code vise à stimuler le développement du secteur sans alourdir les charges de l’Etat tout en permettant à l’investisseur d’opter pour la mesure de son choix. Parallèlement aux codes des investissements, est prévu le financement de l’activité.
1.3-Le Financement du secteur
Celui-ci peut s’effectuer directement ou par l’intermédiaire des institutions bancaires agrées notamment : la BNDE, le Crédit maritime, la Caisse Centrale de Garantie, le Crédit Agricole, les banques privées marocaines et étrangères. La BNDE (financement des bateaux de pêche hauturière) et la Banque Populaire (crédit pour petites et moyennes entreprises) centralisent l’octroi du crédit à moyen et long terme le Crédit maritime s’étant avéré inadapté à ce financement. Enfin, par le biais des primes d’équipement et de sélectivité, contenues dans les codes des investissements, l’Etat contribue directement au financement des investissements.
Dans le cadre de la mise en œuvre des orientations gouvernementales et des politiques de développement en matière de gouvernance halieutique et de planification stratégique, le secteur des pêches maritimes bénéficia d’une nouvelle stratégie baptisée « Halieutis ».
2- L’approche stratégique HALIEUTIS
Ce dispositif a pour objectif de valoriser la richesse halieutique marocaine et de tripler le PIB du secteur d’ici 2020. Il vise, également à moderniser les différents segments du secteur et à mettre en place un système de gouvernance sectorielle, permettant un transfert de pouvoir graduel aux régions et au secteur privé et un dialogue efficace entre le gouvernement et les professionnels du secteur. Cette stratégie est axée sur trois axes complémentaires.
2.1- Les axes centraux du Plan-HALIEUTIS
Ces axes sont : L’exploitation durable des ressources au moyen d’une pêche responsable, l’amélioration de la chaine de traitement du produit et le renforcement de la compétitivité aux fins d’acquérir de nouveaux segments du marché. Parmi les objectifs de cette stratégie sont cités : La maitrise de la traçabilité (mise en place d’espaces portuaires pour réduire l’informel et assurer la traçabilité dans le mécanisme des prix/évaluation de la qualité) ; la facilitation de l’accès des industriels à la matière première (par la création de pôles de compétitivité dans les différentes régions élargissant la gamme des produits) ; l’amélioration des conditions de travail (stabilisation du seuil de rentabilité des navires et leur équipement de cales réfrigérées) ; l’association de l’ensemble des acteurs : organisation de la profession et instauration d’un dialogue via un système graduel de transfert du pouvoir aux régions et au secteur privé ; promotion et partage de la connaissance scientifique (élaboration d’un inventaire des ressources halieutiques et d’une nomenclature des espèces)[20].
2.2- Les mécanismes fonctionnels du Plan-HALIEUTIS
Pour appliquer le Plan-HALIEUTIS, le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime mit en place les organes suivants:
- -Le Comité National de la Pêche : définition de la politique d’aménagement des pêches ;
- -L’Agence Nationale pour le Développement de l’Aquaculture : proposition de plans d’action.
- -Le Centre de Valorisation des Produits : augmentation de leur valeur ajoutée.
- -L’Observatoire de l’Emploi du secteur halieutique.
- -Le Fonds d’Ajustement et de Modernisation de l’effort de pêche : restructuration de la flotte.
A la lumière de ces éléments il importe de connaitre l’incidence de ces PP sur le potentiel halieutique et les infrastructures des PS.
B-L’impact sur le potentiel et les infrastructures halieutiques des provinces sahariennes (PS)
1-La croissance du potentiel halieutique
Avec une population dépassant 700 000 habitants, les PS, étendues sur une superficie de 416 475 km2, couvrent 59% du territoire national et constituent trois régions économiques : Lâayoune – Boujdour – Saquiet El Hamra, Guelmim – Essemara et Oued-Eddahab – Lagouira, disposant d’une façade maritime de 1700km. Depuis leur récupération, le montant des investissements publics, dans les infrastructures de base, excède les 20 milliards de dirhams avec plus de 4 milliards de dh dans le secteur halieutique [21]. Les débarquements dans les ports sahariens qui ne représentaient que 20% du PNB en 1990, sont passés à 54% en 2000.Ce taux serait de 90% en 2007avec l’aménagement du port de Dakhla pressenti comme premier port d’Afrique.L’apport des PS dans cette progression est substantiel. Les ports du littoral atlantique sont les plus actifs avec 95% des prises dont 45% pour le port de Lâayoune. Les prises additionnées de Lâayoune et Dakhla représentent 64%. En 2001, 90% des prises de la pêche côtière sont réalisées dans les PS. [22]
Les débarquements de la côte atlantique ont augmenté de 30% en volume et de 27% en valeur, soit 954 230 tonnes pour une valeur de 210 millions d’euros faisant du Maroc le premier producteur d’Afrique et le 25ème du monde. La pêche représente 3% du PIB, 16% des exportations globales et 56% des exportations alimentaires[23]. Selon les chiffres de l’ONP, la production nationale atteint 980 000 tonnes, pour une valeur de 250 millions d’euros soit une progression de28 % en volume et 23 % en valeur. En termes d’emplois, le secteur halieutique dans la région crée plus de 20 000 emplois indirects, 11 500 emplois sur les navires côtiers et 40 000 pour la pêche artisanale[24]. Ce développement est dû à l’intervention de l’Etat à travers l’investissement public dans les infrastructures et la promotion de l’investissement privé. Erigé parmi les priorités des plans de développement (1973-1977, 1978-1980, 1981-1985 et 2000-2004), le secteur halieutique bénéficia de l’appui des codes d’investissement et des ressources générées par les accords de pêche (UE, Russie, Japon etc.) dont les contreparties financières furent investies dans le développement des infrastructures.
2-Le développement des infrastructures maritimes méridionales
Les ressources allouées au secteur halieutique méridional au lendemain de la récupération des PS, dans les infrastructures d’accueil et d’encadrement ont permis: La constitution d’une flotte de pêche de plus de 190 navires et 5.866 barques (artisanales) ; le développement d’une pêcherie approvisionnant l’industrie locale de congélation.La mise en place d’un dispositif industriel de valorisation des produits de la pêche d’environ 130 unités soit 30% de l’effectif national ; la construction de deux établissements de formation à Lâayoune et Dakhla ; l’équipement des ports de pêche en moyens de sauvetage et antennes médicales ; la construction de points de débarquement pour les marins-pêcheurs artisanaux ; la mise en place d’infrastructures et d’équipements de commercialisation etc.[25]
L’investissement global dans la flotte de pêche immatriculée dans les PS depuis 1977 s’élève à 1.445 millions de Dh (flotte hauturière : 510 millions Dh ; flotte côtière : 700 millions Dh ; flotte artisanale : 225 millions Dh) [26]. Ces transferts obéissent à une « politique régionalisation » des PP permettant une meilleure organisation des ports méridionaux.
2.1- Les ports et points de débarquement méridionaux
La zone-Sud comprend trois ports de débarquement implantés respectivement à Lâayoune, Dakhla et Boujdour. Le nouveau port de Dakhla a permis le redéploiement d’une partie de la flotte hauturière bénéficiant de la proximité des lieux de pêche. En application de la politique de promotion de la pêche artisanale des PS, les services maritimes ont aménagé, tout au long du littoral, plusieurs villages de pêcheurs et points de débarquement. Ce programme posa les jalons d’une politique d’aménagement du littoral basée sur l’implantation de « micro-pôles » de DES permettant d’améliorer les conditions socioéconomiques des marins-pêcheurs locaux. Ces infrastructures furent réalisées sur 11 sites de pêche nommément : Amégriou et Tarousa (province de Lâayoune) ; Sidi El Ghazi (région de Boujdour) ; N’Tirift et Labouirda (Oued Eddahab) ; Lamhiriz (province d’Aousserd) ; Aftisset (région de Boujdour) ; Ain Baida, Imoutlane et Lassarga (Oued Eddahab).
Le coût global de l’aménagement de ces sites fut de 915 millions Dh avec un financement réparti entre le Fonds Hassan II, l’AS et l’Office National des Pêches[27]. Les techniques maritimes ont évolué avec le développement de la pêche hauturière (diversification et valorisation des prises). Les efforts investis ont boosté la production de la FH destinée à l’exportation. A l’instar des autres ports, ceux du Sud relèvent de la Direction des Ports du DPM et de l’Office National des Ports (ONP) qui en assurent le fonctionnement et l’exploitation (coordination des activités portuaires). Ces fonctions sont exercées, au niveau local, par les Directions Provinciales des Travaux Publics. A côté de l’organisation des ports un effort particulier fut dévolu aux installations frigorifiques.
2.2- Les installations frigorifiques
La conservation du poisson généré par la pêche hauturière nécessite sa congélation à bord des bateaux (du fait du long séjour en mer) dans des « entrepôts frigorifiques » mus en régulateurs de la production car les excédents non commercialisés sont stockés et ultérieurement vendus au moment où l’offre est inférieure à la demande. Les orientations des plans de développement ont permis la réalisation d’une chaine de froid (construction d’entrepôts frigorifiques, fabriques de glace et chambres froides dans les ports du Sud). L’ONP et l’Omnium Marocain des Pêches ont fourni de louables efforts qui ne sont pas limités à ce domaine mais s’étendent également au développement des chantiers navals.
2.3- Les chantiers navals(CN)
Perçue comme une activité inductrice d’emplois et source de devises, l’industrie de la construction/réparation navale s’est développée avec une clientèle en progression dépassant les 1.200 unités à l’aube du troisième millénaire. Les principaux chantiers navals marocains sont la Société Nouvelle de Chantiers Navals Marocains et les Chantiers-Ateliers du Maroc tous deux situés dans le port de Casablanca. Cette activité reste néanmoins faible étant donné les carences de l’infrastructure portuaire régionale et l’insuffisance de la protection face à la concurrence étrangère. Pour répondre à la demande des PS engagées dans un développement accru du secteur halieutique, une stratégie de développement des infrastructures navales fut mise en œuvre pour la prise en charge des réparations de la flotte côtière et hauturière et des engins de servitude portuaire. Les CN restent confrontés au problème du financement des équipements auquel les banques marocaines sont réfractaires étant donné leur préférence pour la couverture des opérations commerciales[28]. Le financement des CN bénéficie, néanmoins, d’avantages fiscaux, douaniers et financiers à travers les codes d’encouragement aux exportations, les investissements industriels et les investissements maritimes.
Les PP et stratégies halieutiques évoquées n’auraient probablement pas pu se matérialiser sans le déploiement et l’encadrement du Département des Pêches Maritimes (DPM).
C- Le rôle central du Département des Pêches Maritimes
1-Le dispositif institutionnel du DPM
Il va de soi qu’on ne saurait concevoir une stratégie de régionalisation des PP, sans l’implication directe, au double niveau conceptuel et opérationnel, du DPA à travers ses structures organiques et modes de fonctionnement. Créé en 1981,c’est l’institution techniquement chargée de la conception et l’exécution de la politique halieutique nationale, de la planification des investissements et de la promotion des pêches maritimes. En juin 2004, celui-ci est rattaché au Ministère de l’Agriculture, du Développement Rurale et des Pêches Maritimes tout en préservant sa tutelle sur l’Office National des Pêches (ONP) et l’Institut National de la Recherche Halieutique (INRH). Ce Département comporte au niveau local 11 délégations régionales des pêches maritimes dont celles de Tan-Tan et Dakhla. Son action se déploie à partir les directions suivantes[29] :
1.1-La Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture (DPMA).
La DPMA a pour mission : d’assurer l’application de la réglementation relative à la pêche et le suivi de l’exploitation des ressources halieutiques ; d’élaborer les plans d’aménagement des pêcheries et d’en assurer l’exécution et le suivi ; de définir et mettre en œuvre les orientations du secteur et d’assurer le développement et la promotion des pêcheries et des activités littorales dont l’aquaculture. Elle travaille en étroite collaboration avec l’INRH.
1.2-La Direction des Industries de la Pêche Maritime (DIPM)
La DIPM est chargée de: l’application des orientations et de la stratégie de développement, de la modernisation des établissements de traitement de la pêche maritime ; la coordination des travaux de normalisation des produits maritimes entre les organismes concernés ; l’agrément des unités de pêche maritime au plan de la qualité et de la normalisation des installations de traitement et de conservation des produits.
1.3-La Direction de la Coopération et des Affaires Juridiques (DCAJ)
La DCAJ a pour attribution de : proposer des orientations en matière de coopération bilatérale, régionale et multilatérale dans les domaines de compétence du Département ; participer aux négociations des accords bilatéraux et multilatéraux engageant le Département ; participer à la réforme et à la mise à jour de la législation maritime et veille à l’application des accords et conventions ainsi que les textes législatifs et réglementaires élaborés par l’Etat.
1.4-La Direction de la Formation Maritime et de la Promotion Socioprofessionnelle (DFM)
Celle-ci a pour mission de : contribuer à l’élaboration de la stratégie nationale en matière de formation maritime ; évaluer les besoins du secteur en ressources humaines et définir les profils requis ainsi que les programmes de formation dont elle planifie l’exécution.
1.5-La Direction des Ressources Humaines et des affaires générales (DRH)
La DRH a pour rôle de : veiller à l’application d’une politique de valorisation des ressources humaines ; préparer et exécuter le budget du département ; Gérer le patrimoine mobilier et immobilier du département ; gérer la actions sociales.
2-Les organes auxiliaires et les acteurs régionaux
2.1-Les organes auxiliaires
2.1.1-Office National des Pêches (ONP)
L’ONP est un établissement public industriel et commercial placé sous la tutelle du DPM. Ses attributions furent définies par le Dahir n°1-96-99 du 29 juillet 1996 et s’articulent autour de deux axes centraux : le développement de la pêche artisanale et l’organisation de la commercialisation des produits maritimes. Son action consiste donc à : mettre en œuvre les programmes de modernisation de la flotte côtière et artisanale ; promouvoir la politique de filière définie par le DPM et l’action sociale au profit des pêcheurs. Il perçoit une taxe de 4% sur tous les produits transitant par les halles de vente et les Comptoirs d’Agréage du Poisson Industriel (CAPI) et utilise ces recettes pour assurer son fonctionnement et le financement de ses projets. Basé à Casablanca, l’ONP qui dispose à l’échelle régionale de 17 délégations et 17 sous-délégations, est présent dans la quasi-totalité des ports de pêche. Le montant des flux financiers gérés par cet établissement s’élève à plus de 3 milliards de Dh. A côté de l’ONP, intervient l’Institut National de la Recherche Halieutique[30].
2.1.2-L’Institut National de la Recherche Halieutique (INRH)
Crée par le dahir n°1-69-98 du 27 juillet 1996, l’INRH est un établissement public scientifique dont les déploiements portent sur 5 domaines, en l’occurrence : L’évaluation des ressources halieutiques et le suivi de leur exploitation (diagnostic des stocks, fourniture des données biologiques, techniques et économiques) ; surveillance du fonctionnement des écosystèmes marins et littoraux ; valorisation des produits halieutiques et évaluation des potentialités aquacoles du littoral. Pour exécuter ses programmes l’INRH dispose de quatre centres régionaux respectivement à Nador (zone du détroit/littoral méditerranéen), Agadir (Atlantique-centre), Lâayoune (partie nord du littoral saharien) et Dakhla (partie-sud du littoral saharien). Ce dispositif est complété par les laboratoires centraux de Casablanca. L’INRH est doté de deux navires de recherchedont le premier fut offert par le Japon[31]. La contribution du DPM est, par ailleurs, confortée, sur le plan régional, par le déploiement précité d’autres intervenants tels que l’AS, les CRI etc.
2.2-Les acteurs du développement régional[32] (Cf. Ière Partie, Point B)
De tous les promoteurs du DR le plus emblématique est sans doute l’AS. Celle-ci coordonne et pilote les projets de développement des PS. Le programme établi pour 2004-2008 mobilisa un investissement global de 7,2 milliards de Dh (800 millions $) couvrant 226 projets portant sur plusieurs axes dont 18 concernent la pêche côtière et artisanale du Sud pour le montant de 1,1 milliards de $ (création de 7 villages de pêche, mise à niveau de la pêche artisanale et installation de 10 halles de poissons dans l’arrière-pays) ; habitat et développement urbain (53 projets pour un montant de 1,66 milliards) ; eau et environnement: 70 projets d’un montant de 2,3 milliards Dh (eau potable, assainissement, barrages et retenues d’eau) ; infrastructures: 22 projets, coût: 1,56 milliards dh (construction de routes, du port de Boujdour, de la centrale électrique de Lâayoune et connexion de Dakhla au réseau électrique national) ; tourisme: 8 projets pour 30 millions dh (valorisation des sites balnéaires et développement de l’écotourisme) ; artisanat : 8 projets pour 17 millions de Dh (création de villages et ensembles artisanaux, développement des techniques existantes et leur adaptation et commercialisation). Effets escomptés : impact sur l’emploi dans le bâtiment et les travaux publics, pêche, industries connexes, commerce et services, mise à niveau des entreprises etc.
L’action du DPM, de ses organes subsidiaires et des centres de développement régionaux (ARD, CRI, AS etc.) est, par ailleurs, supplée par l’apport de la coopération internationale.
3-La contribution de la Coopération Internationale
Réfractaire aux licences libres aux armements étrangers, le Maroc ne délivre que des licences agréées dans le cadre d’accords entre Etats.
3.1-Les accords de pêche bilatéraux
La coopération bilatérale est dominée par l’Accord de pêche Maroc-UE mais d’autres accords significatifs demeurent en vigueur.
3.1.1-L’Accord Maroc-Japon
Aux termes de cet accord, la contrepartie japonaise consiste en des financements de projets négociés annuellement dont le coût est souvent sans rapport avec les modestes prélèvements opérés par les navires japonais. Furent ainsi financés plusieurs équipements dont l’Institut de Formation d’Agadir, le Centre de Valorisation des Produits de la Pêche, un élévateur de bateaux, le Centre de Recherche Aquacoles de M’Diq, plusieurs navires-écoles et navires de recherche et 4 villages de pêcheurs[33].
3.1.2-L’Accord Maroc-Russie
L’actuel accord est le troisième du genre conclu entre les deux pays. Comme les précédents cet accord porte sur la capture des petits pélagiques dans la zone C. sont ainsi autorisé 12 chalutiers congélateurs hauturiers pour une durée de 3 ans en échange d’une redevance de 17,5% du chiffre d’affaire calculé sur la base du prix de référence des différentes espèces. S’y ajoute le prix des licences annuelles selon le régime commun (soit 46 500Dh pour les navires de 250 à 500 tjb, 57 000 pour les navires de 500 à 1000 tjb etc.). Est autorisée une capture annuelle de 200 000 t dont 120 000 exportables et 80 000 valorisables à travers des projets mixtes intégrés (incluant pêche, industrie, commercialisation etc.)[34].
3.2-L’Accord de pêche Maroc-UE
Expirant le 27 février 2011, L’Accord de Partenariat Maroc-UE fut prorogé d’une année au soulagement des armateurs espagnols gros bénéficiaires de la manne du littoral atlantique. Depuis mars 2007, l’UE verse annuellement au Maroc 36 millions d’euros de droits de pêche permettant à plus de 119 navires européens (principalement espagnols et portugais) de pêcher dans ses eaux. Pour certains, cet accord n’est avantageux que pour les armements européens, notamment espagnols, bénéficiant de privilèges excessifs au détriment des opérateurs marocains dont ceux des PS tirant une grande partie de leurs revenus de ces ressources.Les bénéfices économiques directs,tirés par l’UE, sont restrictivement évalués à 77,5 millions d’euros avec une valeur ajoutée de 36,5 millions d’euros. Les retombées socioéconomiques des activités halieutiques européennes, en termes d’emplois communautaires, excèdent les 3500 emplois principalement dans les zones dépendantes (Iles Canaries, Andalousie)[35].
Au-delà du dispositif institutionnel et de l’ouverture au partenariat international la stratégie déterritorialisation des PP dans les PS bénéficiera, en outre,des retombées des nouveaux déploiements stratégiques du secteur halieutique.
D-Les nouveaux déploiements stratégiques
Les perspectives de développement du secteur envisagées par le DPM sont à l’heure actuelle dominées par les quatre axes stratégiques suivants :
1-La préservation et la gestion durable du potentiel halieutique et du milieu marin ;
2-La mise à niveau de l’outil de production pour la maitrise de la qualité à tous les maillons de la chaine et l’adaptation aux exigences des marchés national et international ;
3-La valorisation des petits pélagiques et le développement de la consommation nationale ;
4-L’amélioration des conditions de travail et de vie des pêcheurs.
Comme le souligne, Abdellah Harsi, ces thèmes recouvrent, à la fois, les préoccupations des populations régionales et celles de la communauté internationale en matière halieutique, en l’occurrence : la gestion des ressources conformément au code de conduite pour une pêche responsable et un développement durable ;la prise en considération des acteurs les plus vulnérables (variante de la lutte contre la pauvreté, discours royal du 18 mai 2005) ; l’amélioration de la qualité hygiénique des produits alimentaires etc..[36]
Au-delà de l’adéquation du cadre institutionnel de la régionalisation des PP sectorielles, de la cohérence de la gestion halieutique, du concours technique du Département des Pêches maritimes et de l’apport de la coopération internationale, au dynamisme du secteur, l’objectif de tout projet de DR est de susciter des synergies entre les potentialités naturelles, humaines infrastructurelles et les orientations socioéconomiques locales. Cette approche demeure hypothétique au Maroc malgré les progrès enregistrés au niveau des processus de déconcentration et de décentralisation (NCA, CRA, CRI, ARD, CC, CAT etc.) du fait de l’absence d’une stratégie localisée de développement régional. Cette situation accrédite l’impression d’un « Maroc à plusieurs vitesses » et illustre les limites de la régionalisation des PP qui ne peuvent que déteindre sur la gestion des ressources halieutiques des PS.
E- Les contraintes et limites de la régionalisation des PP sectorielles
L’objectif du DR est de créer des synergies entre les potentiels : naturel, (ressources halieutiques, agricoles, industrielles etc.), humain (dynamisme, esprit d’entreprise, génie local etc.) et les orientations stratégiques (aménagement du territoire, infrastructures, objectifs économiques etc.) pour promouvoir et répartir les richesses coproduites. Cette approche peine à se matérialiser au Maroc pour les raisons suivantes :L’absence d’une « stratégie de développement régional intégré » s’est traduite par : un maillage inégal du territoire malgré le développement des infrastructures (routes, ports, équipements publics etc.) et services de base (hôpitaux, écoles, raccordement hydraulique/électrique etc.) ; une répartition géographique déséquilibrée de la population avec une concentration urbaine sur l’axe économique El Jadida-Kenitra et, s’agissant des PS, une surexploitation des ressources halieutiques. A ces dysfonctionnements de la GG, s’ajoutent les carences du système de gouvernance local caractérisé par: une vision limitée du potentiel régional, l’insuffisance de la délégation des pouvoirs au niveau local ; une politique macroéconomique réfractaire au développement local ; l’absence d’une stratégie cohérente d’urbanisation induisant un développement anarchique de périphéries urbaines sous équipées en services de base et absorbant pauvreté et chômage.Ces éléments ont, par ailleurs, un impact dévastateur sur l’environnement : partie intégrante du développement humain, l’écologie est d’autant plus vitale que la Maroc méridional est un pays aride aux ressources limitées, fragiles et, à l’instar des RHPS, surexploitées. La prospective territoriale est un enjeu majeur du DR et l’adéquation d’une stratégie de développement local est vitale au décollage économique de territoires devenant des « pôles économiques régionaux» et secrétant des « villes locomotives » de la croissance.
CONCLUSION
La réforme de l’Etat et de sa gouvernance territoriale répond aux nécessités économiques obligeant l’Etat à promouvoir le territoire aux entreprises. Les PP assument, à cet égard, la double fonction de promotion et de production territoriale. Au Maroc, les disparités régionales opposant villes aux campagnes, centres urbains aux banlieues, zone utile à l’hinterland etc. suscitent des tensions contraignant l’Etat à des ajustements en faveur des « zones précaires »dont l’INDH est l’une des variantes. Cet arbitrage est cependant incompatible avec l’ouverture de l’espace marocain à la concurrence interrégionale et internationale d’où la politique d’équilibre territorial et de promotion de « pôles régionaux »générateurs d’investissements en faveur des PP de développement (Plan Emergence). Ce double-impératif inspira la politique d’aménagement du territoire (SNAT)[37]et la création des ARD (Nord, Oriental et Sud) et des CRI devenus des instruments de revalorisation de la « dimension régionale » notamment à travers l’implication du secteur halieutique des PS.
Au plan régional, l’Etat conserve l’initiative politique, mais il est contraint d’œuvrer, à travers les « structures ad hoc » précitées, à l’implication technique et financière des acteurs locaux et internationaux. Proches du pouvoir, les agences précitées représentent une « forme actualisée » des « relais makhzeniens » combinant domaines publics et privés et assurant l’interaction centre-périphéries. Ainsi, en dépit de l’apparent fléchissement de sa puissance (privatisation, mixité des structures, contraction des moyens), l’Etat marocain s’est, jusqu’à présent, révélé en mesure de contrôler territoires et populations. Toutefois, l’ampleur des attentes et des réformes promises est telle que sa relation aux régions pourrait évoluer. L’autonomie accordée aux CL et la recherche de compétitivité fragmentent l’espace national mais, la mise en cohérence des approches territoriales décentralisées, peine à se matérialiser. Le Maroc est dans une situation transitionnelle où la lente décentralisation semble encore entretenir la viabilité de l’Etat au détriment de l’autonomie réelle des régions.
L’enjeu de la nouvelle configuration territoriale, réside dans la capacité d’articulation des régions, des CL et des projets décentralisés. Pour l’heure, l’emboitement des PP territorialisées se limite à une régionalisation des politiques sectorielles nationales.L’absence d’une « politique régionale intégrée » basée, à la fois, sur une approche spatiale du développement et l’articulation des dynamiques régionales, rejaillit sur la gestion locale des ressources naturelles privée d’un cadre organisationnel approprié. La précarité du dispositif administratif des CL est, en outre, accentuée par l’absence de cadre juridique de leurs « interventions économiques ». Leurs chartes prévoient divers modes d’interventions économiques et sociales (gestion déléguée, entreprise mixte, concession, partenariat, contractualisation, privatisation etc.), mais aucun texte législatif ou réglementaire n’en définit les modes d’articulation ce qui entrave toute mise en œuvre. L’autonomie des CL est cependant variable: les régions, provinces et préfectures ne sont pas entièrement autonomes dans la mesure où l’exécutif de leur assemblées est le wali ou gouverneur. Seul le Conseil Régional élu représente réellement les intérêts des CL mais son autonomie varie selon leur représentativité et l’importance de leurs moyens. La viabilité du processus de régionalisation est donc liée à la déconcentration et à une définition précise des attributions des différents intervenants (ministères, établissements publics, élus, acteurs associatifs) seules à même de faciliter l’évolution d’un « Etat de services publics » à un « Etat coproducteur de politiques régionales, animateur des synergies locales et promoteur des solidarités interrégionales ».
Abdellatif Nacif Chercheur en Sciences politiques et Relations Internationales
Abréviations :
ARD : Agences Régionales de Développement
AS : Agence du Sud
CAT : Charte de l’Aménagement du Territoire
CC : Charte Communale
CN : Chantiers navals
CRA : Concept de la Régionalisation Avancée
CRI : Centre Régionaux D’Investissement
CL/CT : Collectivités Locales/Collectivités territoriales
CCR : Commission Consultative sur la Régionalisation
CES : Conseil Economique et Social
DES : Développement économique et social
DR : Développement Régional
DPM : Département des Pêches Maritimes
EP : Entreprises Publiques
GPP : Gouvernance des Politiques Publiques
INDH : Initiative marocaine de développement Humain
INRH : Institut National de la Recherche Halieutique
NCA : Nouveau Concept d’Autorité
OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement
ONP : Office National des Ports
PP : Politiques publiques
PMAS : Plan Marocain d’Autonomie pour le Sahara
PRA : Projet de Régionalisation Avancée
RHPS : Ressources Halieutiques des Provinces Sahariennes
SP : Services Publics
SNAT : Schéma National d’Aménagement du Territoire
TMSA : Tanger-Med Special Agency
ZEE :
Zone Economique Exclusive.
[1]Tanger-Méditerranée Special Agency
[2]Planel, Sabine, « Transformations de l’Etat et politiques territoriales dans le Maroc contemporain », L’Etat en Afrique, Revue en ligne de géographie politique et de géopolitique.
[3]Idem.
[4]Agents locaux d’un quartier urbain (derb) ou d’une commune rurale (douar) sous l’autorité d’un caid.
[5]Planel, Sabine, Transformations de l’Etat et politiques territoriales op cit, p.4
[6]Le développement régional, Direction des Etudes et des Prévisions, Ministère des finances et de la Privatisation, p.28
[7]Idem
[8] Discours royal du 12 octobre 1999.
[9] Cf. CCR / Rapport sur la régionalisation avancée / Livre III : La régionalisation avancée au service du développement économique et social p.70
[10]Michel Rousset, « Le Discours Royal du 3 janvier et la régionalisation avancée »
[11] Idem.
[12]Rapport sur la régionalisation avancée/Livre III : La régionalisation avancée au service du développement économique et social.
[13]Harsi, Abdellah, Le « Conseil Economique et Social de la Région Autonome du Sahara, un outil de choix pour un développement participatif conforme aux objectifs du Millénaire pour le Développement »
[14]L’Agence pour la Promotion et le Développement des Provinces du Sud, acteur du développement local » www.saharadumaroc.net/
[15]Le Développement régional, Direction des Etudes et Prévisions, Ministère des Finances et de la Privatisation p. 28.
[16]Rapport sur le secteur des pêches maritimes au Maroc et la réforme fiscale pour la promotion de la croissance et l’aménagement durable préparé par Hassan El Filali et Hachim El Ayoubi
[17]Rapport sur le secteur des pêches maritimes au Maroc…op cit. p. 13
[18]Dahir n°1-73-410 du 13 Rajab 1393
[19] Dahir n°1-83-107 du 9 moharram 1405
[20]Plan Halieutis : une nouvelle stratégie pour le secteur de la pêche maritime au Maroc, www.bitagro.imist.ma/
[21]Le Développement économique des Provinces du Sud www.saharanews.org/
[22]Le Matin du Sahara, 21 juillet 2002
[23]Etude réalisée par la BMCE Bank, Revue d’Information de la BMC, n° 264 mai 1999
[24]www.sahara-développement.com/
[25]Les réalisations dans le secteur halieutique, www.sahara-développement.com/
[26]Ibid.
[27]www.sahara-développement.com/
[28]Ali Boudi, Lahoussine Kerroumi et Mohcine Bakkali, « la pêche maritime au sud : analyse et perspectives », mémoire du cycle supérieur de gestion, ISCAE, p.71
[29]Fisheries Partnership Agreement FISH.2003/02, Draft Final Report FPA 17/MOR/05
[30]Ibid. p.70
[31]Idem, p. 72
[32]cf. Ière partie, Cadre conceptuel..p. 9
[33]Fisheries Partnership Agreement …op. cit. p.82
[34]Ibid p. 83
[35]Etude faite pour la DG FISH en 2000 sous le thème: « Regional Socio economic Studies on Employment and Level of Dependency on Fishing; Lot n°23: Coordination and Consolidation Study ».
[36]Harsi, Abdellah, op cit. « Le CES de la Région Autonome du Sahara, un outil de choix pour un développement participatif conforme aux OMD ».
[37]Planel, Sabine, Transformations de l’Etat et politiques territoriales op cit p. 11
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