Par Hamid Ait LEMQEDDEM ——
Le modèle de développement dépend de plusieurs paramètres, à savoir le projet sociétal (la construction d’une société juste, équitable, stable, pérenne et un environnement sain pour un bon vivre ensemble, une vraie démocratie, délibérative, éthique et tournée vers l’avenir, le modèle économique, le capital humain et les dynamiques territoriales, le positionnement international.Autrement dit, le modèle de développement dépend de l’économie, de l’investissement, de la justice sociale, du capital humain, de la confiance à la fois institutionnelle et interpersonnelle, et à ce titre encore faut-il revoir la qualité des instituions, de la société et l’ancrage international du Maroc, à travers :
– La création d’une croissance économique de 7% à 8% sur un trend de 10 ans et plus. La croissance économique « reste molle » et ne dépasse guère 5% de PIB. Elle reste encore tirée par l’agriculture qui participe dans cette croissance par 1,4 à 1,6% et qui reste tributaire des conditions climatiques et de la pluviométrie. Encore faut-il développer la croissance hors agriculture. Le PIB marocain est un peu plus de 118 milliards de dollars en 2018[i].
– Le renforcement d’une gouvernance moderne à multiple échelle. Le potentiel de la croissance ne dépend pas seulement des facteurs de production classique (Travail et capital), mais de la réglementation et du mode de gouvernance. Ce n’est pas avec des milliards, au départ, qu’une société pauvre peut se construire, mais avec le capital inaliénable mis à sa disposition par la providence : l’homme, le sol et le temps ».
A la fin de la seconde guerre mondiale, les pouvoirs publics japonais avaient dépêché des collèges d’experts de tout genre pour sillonner l’Europe et les Etats-Unis. Le but était de s’inspirer de leurs pratiques afin de construire une nation moderne et ultra développée. Que fallait-il prioriser ? La ressource-clé était l’efficacité de leur modèle managérial qui a su mobiliser les ressources humaines pour travailler efficacement à développer la technologie, l’innovation, la productivité et l’amélioration perpétuelle. Il fallait transférer l’essentiel de cette technologie sociale (le management) avant de produire soi-même quelques principes dérivés de la culture et du contexte propre du pays[ii].
Il s’impose de :
–Passer d’une économie de rente à une économie de mérite.A cet effet, il faut rompre avec l’économie de la rente (Absence de VA, et aggravation des disparités sociales et tendance vers l’hédonisme et production des hédonistes) ;
–Valoriser les produits marocains et ne pas se contenter de l’exportation des matières première à l’état brut, à travers le transfert technologique, et la co-production (le Maroc est importateur net de produits alimentaires, importateur d’énergie et importateur de capitaux, conséquences un déficit chronique de sa balance commerciale) ;
–Mettre à niveau le capital humain du Maroc : formation, éducation et santé pour éviter de bâtir l’économie avec des épaules fragiles et fragilisées ;
– Travailler pour l’adéquation de la formation et marché de travail selon unmodèle allant de l’aval vers l’amont comme JAT et le Kaizen Japonais, avec une certaine équité entre les hommes et les femmes. Au Maroc 25% de femmes ont accès au marché de travail si on les compare aux chinoises 62% sont actives. D’après le rapport de l’ONU 2019, la population mondiale est 7,8 Milliards dont 2,2 Milliards d’hommes et 5,8 Milliards de femmes, selon le forum mondial économique 2018, le Maroc est classé 120/140 Pays au niveau de l’efficacité du travail, le taux de chômage aujourd’hui est de 9,8%) ;
– Bâtir un système d’éducation et d’enseignement adapté à l’évolution du monde, valorisant plus le savoir-être et le savoir-faire (donner dans les écoles un enseignement attrayant, qu’on peut instruire les enfants en les amusant, qu’il y a des méthodes pour diminuer l’effort de l’élève, pour éveiller son attention et sa créativité, le système éducatif marocain favorise plus l’apprentissage par cœur que l’esprit critique. Le taux d’analphabétisme est 32% aujourd’hui, il y’a une fragmentation linguistique et une massification de l’enseignement, autrement, on produit la quantité au dépend de la qualité.
– Accorder une place éminente à la recherche scientifique, le Maroc a besoin de chercheurs qui peuvent servir d’enzyme pour apporter des solutions technologiques et innovatrices à notre économie ;
– Encourager davantage l’entreprenariat au détriment du fonctionnariat et du salariat, les lauréats de grandes écoles qui optent pour l’entrepreneuriat ; ISCAE (1%), ENCG (1%), AL AKHAWAIN (3%) comparé aux lauréats de Harvard par exemple il s’agit de 10%. Là le rôle des banques est important pour octroyer des crédits aux jeunes diplômés à taux nul (cas de l’Europe) sinon autoriser des entreprises privées à donner des crédits à des taux nuls (cas du Rwanda).
– Mettre en place un système de santé remodelé, équitable et accessibles à tous, principalement public, principe de la péréquation ;
– Viser un logement décent et un habitat durable pour tous : revoir la politique d’habitat dans un cadre de partenariat social ;
– Consacrer les valeurs de travail, de temps, de discipline au capital humain, etc… ;
– Prévoir un nouveau modèle agricole plus modernisé et plus innovant ;
– Relancer la politique de construction des barrages pour faire face au stress hydrique ;
– Construire, élargir, renforcer la classe moyenne susceptible de tirer vers le haut la demande interne aujourd’hui de 3% du PIB au lieu 6% selon la norme ;
– Repenser radicalement la situation de l’économie informelle qui participe à environ 25% de l’économie marocaine, abri des personnes qui n’ont pas pu trouver place ni dans le secteur public ni dans le secteur privé et qui vivent dans une précarité chronique ;
– bâtir une économie à trois secteurs : secteur public, privé et social « exploiter les ressources du waqf et celles de la société civile » ;
–Adopter une politique d’emploi digne pour tous (mettre fin à la précarité, aux inégalités et aux discriminations) ;
– Lutter résolument contre la corruption [iii] ;
– Viser une dynamique territoriale plus attrayante et captivante : régionalisation, attractivité territoriale pour drainer plus de capitaux d’investissement, tenir compte de chaque spécificité de territoire, effet d’agglomération et de districts industriels, etc… ;
– Aménagement équilibré et valorisation de tous les territoires urbains et ruraux ;
– Renforcer le positionnement du Maroc dans son ancrage international : optimisation des échanges commerciaux et sortie de l’économie du déficit commercial structurel 20% PIB en moyenne[iv].
Le pays est inséré dans un tissu de relations et de partenariats, qui ont pour certains la force d’accords internationaux (bon voisinage). Il s’agit notamment de l’UE, mais aussi aux divers accords de libre échange (USA, Turquie, Agadir et bientôt ZLECA), aux bailleurs bilatéraux (France, Espagne, Golfe, …) et aux bailleurs internationaux (BM, FMI, BAD, BEI, …). Il faut trouver une voie pour la priorisation de cet écheveau de partenariats.
– Créer un observatoire national de développement pour que le débat sur le développement ne devienne pas uniquement un fait stylisé voir une vague passagère et tombe dans l’oubli ;
– Prévoir ainsi un plan de développement intégré de 20 ans comme cela est le cas de pays qui ont déjà émerge tels que la Malaisie, la Turquie….
– Elaborer des liens entre la création de la richesse et sa répartition ;
– Chercher à gagner des points de croissance par la relance de l’Union Maghrébine, en effet le coût de non Maghreb est la perte annuelle de 2% de croissance pour le Maroc ;
– Activerune recherche dynamique des innovations et de digitalisation au service de l’intérêt général ;
– Repenser une politique fiscale pour plus d’équité et de progressivité (Égaliser l’impôt sur le revenu avec l’impôt sur les sociétés). Une politique fiscale volontariste et avantageuse pour les entreprises, tout en leur demandant d’agir en faveur de l’augmentation de l’emploi, de la productivité et plus de compétitivité. Cela pourrait réduire les inégalités sociales par le renforcement du pouvoir d’achat, ce qui au final bénéficie à l’économie toute entière (consommation interne).
– Rationalisation et optimisation de la dépense publique : Agence Nationale d’achat groupé pour assurer une économie d’échelle.
[i] L’équivalent du capital d’une banque moyenne en Amérique ou la recette annuelle de Boeing, il faut dire qu’en France le budget annuelle de l’éducation est de 150 milliards de dollars ;
[ii] Par la suite, la Corée du Sud et Taïwan avaient suivi le même cheminement, de même qu’aujourd’hui la Chine et la Malaisie.
[iii] La corruption augmente le coût d’investissement et agit négativement sur la qualité des prestations et affaiblie la compétitivité, selon le forum mondial économique 2018, le Maroc est classé 75ème /140 Pays en termes de compétitivité avec 58,5/100 en tenant compte de 12 facteurs dont la stabilité politique, le climat des affaires, la qualification du travail, etc…
[iv] Le Maroc est presque perdant avec tous les accords de libre- échange à part la Jordanie à cause de la compétitivité et la productivité) ;
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